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Live reports / 03.10.2019

Rendez-Vous de l’Erdre 2019

Du 30 août au 1er septembre 2019, Nantes.

Comme tous les ans, le festival des Rendez-Vous de l’Erdre, placé sous le signe du jazz et de la belle plaisance (de rivière), attire une foule immense autour du dernier bras visible de l’Erdre avant qu’elle prenne le tunnel sous le centre-ville pour rejoindre la Loire.

Le temps splendide dès le vendredi après-midi augmente l’attraction de l’événement et ce sont des milliers de personnes qui déambulent des deux côtés de la rivière, au milieu des stands et des terrasses, certains ayant déjà profité les jours précédents de concerts “off” dans les bars, dans les quartiers via la tournée des Batignolles, ou dans divers lieux, port de Nort-sur-Erdre, place du marché à Carquefou, dans Nantes et ailleurs. 

La scène blues du festival voit ses abords très fréquentés bien avant le début du spectacle, avec de nombreux fidèles et toujours plus de nouveaux adeptes. Ce sont Thomas Doucet and the G-Lights qui ouvrent le week-end, tout heureux et motivés par le succès rencontré lors de la tournée des Batignolles, avec des concerts en duo entre Thomas et le guitariste Teddy Perraudeau et un final en groupe complet. Les fans connaissent le talent du groupe et son répertoire. Thomas au chant et au saxophone, Maxime Gilbert à la basse, son frère François aux claviers et Bruno Guilbault à la batterie, maîtrisent leur sujet, compositions de soul contemporaine et reprises millésimées, et distillent fraîcheur et sourires auxquels le public répond volontiers.

C’est ensuite un événement puisque c’est la première fois que Corey Dennison se produit en France sous son nom et avec son groupe complet. Gerry Hundt à la guitare et à l’harmonica, Aaron Whittier à la basse et Joel Baer à la batterie, c’est un véritable “killer band” qui investit la scène, emmené par le leader, dont le visage souriant et le regard brillant font se demander pourquoi certains le surnomment “grizzli”. Il se met d’ailleurs au service du groupe dès le premier morceau puisque c’est Gerry Hundt qui prend le lead sur l’instrumental Running wild repris à Eddie C. Campbell. Cette preuve de goût laisse augurer d’un concert exceptionnel et c’est bien ce qui va se passer. Les deux disques Delmark fournissent les pièces maîtresses du répertoire, les ballades soul Don’t say you’re sorry et Misty, ou le shuffle de folie I get the shivers, énorme sur disque, monstrueux sur scène, avec les deux guitares de Corey et Gerry à l’unisson.

Corey Dennison est un chanteur, un vrai, avec une voix puissante, au timbre éraillé, et c’est par son biais qu’il accroche le public. Il a aussi le sens du spectacle avec des mimiques, des regards par en-dessous et une série de petites chorégraphies avec les autres membres du groupe qui ponctuent et renforcent le rythme et le swing de la musique. Gerry Hundt est musicalement tout aussi leader que Corey, les voir sur scène permettant justement de savoir qui joue quoi sur les disques. Il se met à l’harmonica sur deux morceaux, en jouant même d’une main pendant que l’autre est toujours sur la guitare, et il utilise une pédale d’effet pour transformer momentanément celle-ci en hybride d’orgue. Down in Virginia, nouveau shuffle dantesque, commence avec Corey et Gerry envoyant de furieux « baby » prélevés dans le Bring it on home de Sonny Boy Williamson n° 2 et c’est ainsi que le set se termine. Pas rassasié, le public en redemande. La facétie de Corey transparaît encore puisqu’il envoie Bohemian rhapsody de Queen ! Les retours du public après le concert sont élogieux. Et ceux du groupe le seront aussi quand je les rencontrerai le lendemain matin pour une interview pour Soul Bag.

François Gilbert, Thomas Doucet
Maxime Gilbert
Thomas Doucet, Maxime Gilbert
Corey Dennison
Gerry Hundt, Corey Dennison
Gerry Hundt
Joel Baer
Aaron Whittier
Gerry Hundt

Le samedi blues commence dès le début d’après-midi avec la première partie du tremplin. Ronan One Man Band & Marko Balland lancent le concours. C’est le répertoire du disque “Lonesome Wolf” de Ronan qui est utilisé, auquel Marko apporte la couleur de ses harmonicas avec toutes ces trouvailles tonales dont il a le secret, comme ce son d’orgue sur Feelin’ bad. La voix de Ronan est comme toujours impressionnante et son jeu de guitare fait le reste. Costaud.

Un terme qui s’applique aussi aux Barnguys dont le country rock et le rock ‘n’ roll aux nombreux accents bluesy sont très entraînants. Jouant, avec succès, la carte du rappel, ils terminent sur un titre soul, Tell me baby, qui met en valeur la voix et le clavier du leader Alexandre Lesueur et indique une voie à suivre pour le groupe. Peut-être l’exploreront-ils sur leur nouveau disque, annoncé en préparation.

Miss Bee & the Bullfrogs clôturent l’après-midi avec leur blues funky, appuyé sur les cinq titres de leur récent EP et des reprises d’Albert King, Otis Rush, Jimmy Witherspoon, Susan Tedeschi, Lowell Fulson ou Elmore James. Ils ont donc des lettres et aussi une certaine maîtrise musicale avec des changements de rythme, des stop and go, des tensions-détentes et la couleur du saxophone de la chanteuse Maëlys “Miss Bee” Baey, entourée de Jean Guichemerre à la guitare, Rémi Grangé à la basse et Julien Feugas à la batterie. Ils sont jeunes, ils ont beaucoup de potentiel.

En soirée, c’est le deuxième grand moment du week-end avec le premier concert de John Németh à Nantes. Accompagné du Soul Shot All Star Band, Anthony Stelmaszack à la guitare, Damien Cornélis aux claviers, Antoine Escalier à la basse et Fabrice Bessouat à la batterie, John va donner un grand concert. Diminué par des soucis physiques, il passera presque tout le set assis, il met toute son énergie dans le chant, le contact avec le public et le son de l’harmonica. Il a le niveau et le répertoire pour que ça suffise à transporter le public. Le groupe aussi qui réagit au moindre signe de lui et nous fait profiter de superbes parties de guitare, la créativité d’Anthony n’a pas de limites, et d’orgue.

Elbows on the wheel, Feeling freaky, If it ain’t broke, S.T.O.N.E.D, Under the gun, Sooner or later, son répertoire est d’une grande richesse, d’autant qu’il n’oublie pas ses chevaux de bataille des années précédentes comme You ain’t too old, ou la reprise de Junior Wells Blues hit big town, tout en rendant hommage à Howard Tate avec Stop. Sa voix est personnelle avec une capacité à évoquer ses influences comme Bobby Bland, Junior Wells ou Percy Mayfield. Au chant comme à l’harmonica, il module, navigue entre les octaves, se cale sur la note juste, celle dont la fréquence fait vibrer l’auditeur pour son plus grand plaisir. Le concert se termine sur l’endiablé Get offa dat butt mais le public ne part pas avant un dernier rappel sur Three times a fool d’Otis Rush. C’est avec difficulté que John descend de scène et rejoint la loge mais il a sur le visage un sourire très contagieux. Quel artiste !

Ronan One Man Band
Marko Balland
Barnguys
Miss Bee & the Bullfrogs
Jean Guichemerre
Rémi Grangé
John Németh
Anthony Stelmaszack
Damien Cornélis
John Németh

Le dimanche commence à l’heure du déjeuner avec le blues brunch animé par The Birds Are Alive. Cela s’enchaîne très vite avec la deuxième partie du tremplin ouverte par le Trio Iku avec Anaïs “Iku” Gue au chant et au piano, Gwen Roux et Tino Quervarec aux guitares. Compositions originales, dont l’entraînant So glad, reprises personnalisées, blues (Ruth Brown, Ella Johnson) ou non, le trio est un peu tendu mais très frais et s’attire l’empathie du public. Maggy & the Buddies leur succèdent. Avec les frères Leray à la rythmique, Philippe Augereau à l’harmonica, Fabien Lorh aux claviers et Frantz Kleber à la guitare, Maggy est armée pour envoyer son set funky soul, rendu crédible par son chant d’excellent niveau. L’ambiance est donc bien chaude quand arrive One Rusty Band. Il y avait ceux qui avaient déjà vu le duo Rusty Greg et Léa Jumping, quelques-uns, et ceux qui ne les connaissaient pas, une grande majorité. Succès garanti pour la fougue de Greg aux guitares, percussions, à l’harmonica et au chant, et de Léa aux claquettes, frottoir et numéros d’équilibriste. Le son est puissant, mais sous contrôle, le contact avec le public établi via des commentaires humoristiques, le spectacle évident, c’est parfait pour terminer le tremplin au sommet.

Après délibération, le jury annonce les résultats suivants :
-1er prix // Miss Bee & the Bullfrogs : programmation aux RDV de l’Erdre 2020
-2e prix // One Rusty Band
-3e prix // Ronan One Man Band & Marko Balland

Les prix spéciaux : 
Maggy & the Buddies : prix Billy Bobs Disney Village.
Ronan One Man Band & Marko Balland : Hurricane Music et festival de Tremblay.
One Rusty Band : prix Collectif des Radios Blues et festival Blues sur Suresnes.
Miss Bee & The Bullfrogs : prix Soul Bag, festivals Montfort Blues et SoBlues, Collectif des Radios Blues, réseau France Blues.
Trio Iku : prix festival Bain de Blues.

Vainqueurs du tremplin 2018, Little Mouse & the Hungry Cats montent sur scène pour le dernier concert du week-end. Claire Ramos Munoz au chant, David Paquet à l’harmonica, Jean-Christophe Sutter à la guitare, Eric Courier à la basse et Elvire Jouve à la batterie, sont au taquet et démontrent très vite tous les progrès accomplis en un an. Set maîtrisé, avec leurs propres compositions en ossature, comme Down in the swamp, Get back to my grave avec son break à la Bo Diddley, Help me to find my love et son ambiance à la Jimmy Reed, des reprises d’Albert Collins, Ray Charles, Howlin’ Wolf ou de Shemekia Copeland avec Can’t let go en rappel. David Paquet est confondant de sobriété et d’efficacité aux harmonicas, Jean-Christophe Sutter est gentiment moderne à la guitare et la paire Eric Courier-Elvire Jouve est solide à la rythmique. Claire Ramos est virevoltante et séduisante au chant et a une forte présence scénique. Un groupe qui confirme le potentiel identifié un an plus tôt.

Comme tous les ans après le dernier concert, les sentiments sont mêlés de joie et de nostalgie, tout cela passant trop vite, mais la perspective de se retrouver l’été prochain redonne rapidement le moral.

One Rusty Band © Jean-Lino Celeste
Little Mouse & the Hungry Cats © Christophe Mourot
Miss Bee & The Bullfrogs © Jean-Lino Celeste

Texte : Christophe Mourot
Photos © J-M Rock’n’Blues (sauf mention)
Plus de photos ici.  

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