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Chroniques / 23.08.2019

Raphael Saadiq signe son grand retour avec “Jimmy Lee”

En attendant de découvrir dans notre numéro de rentrée l’interview que le chanteur d’Oakland nous a accordé, voici notre chronique de son nouvel album qui sort aujourd’hui, le très attendu “Jimmy Lee”.

Après l’échec relatif de la tentative de compromis entre la soul vintage de “The Way I See It” et des sonorités plus contemporaines de “Stone Rollin’”, paru il y a maintenant huit ans, Raphael Saadiq a décidé d’assumer cette fois-ci ses choix : le nouvel album, maintes fois annoncé et reporté, s’inscrit très clairement dans le son d’aujourd’hui, et les instruments classiques font largement place, dès le Sinners prayers à l’accompagnement minimaliste d’ouverture, à l’électronique – même si le guitariste Rob Bacon, collaborateur habituel de Saadiq, est de sortie pour un solo énervé sur Something keeps calling.

L’album est dédié à son frère, Jimmy Lee, et à son combat hélas perdu contre les addictions. Sans surprise, le disque se teinte donc d’une coloration globalement sombre, évoquant aussi bien la drogue (Glory to the veins) que la prison (Rikers Island, qui fait l’objet d’une seconde version portée par le spoken word très intense de l’acteur Daniel J. Watts), mais l’habillage musical contrasté permet de nuancer cette orientation, le sinistre Rikers Island se parant de gospel soul, tandis que quelques titres plus légers comme I’m feeling love, à la D’Angelo, viennent empêcher le disque d’être monochrome.

Musicalement comme dans l’écriture, le gospel, porteur d’espoir, traverse d’ailleurs tout “Jimmy Lee”, explicitement (l’interlude Belongs to God) ou implicitement (Sinners prayer). Si Kendrick Lamar, parmi d’autres invités ponctuels, vient apporter son flow sur le Rearview final, l’album est très évidemment une œuvre personnelle, voire intime, pour Saadiq, souvent seul ou presque sur les morceaux. Son accès, moins immédiat que celui de “The Way I See It”, demandera plus d’efforts à l’auditeur, mais sa richesse n’en est que plus profonde.

Frédéric Adrian
Photo © Wilfried-Antoine Desveaux pour Soul Bag

Note : ★★★★1/2
Label : Columbia
Sortie : 23 août 2019

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