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Live reports / 28.10.2019

Raphael Saadiq, Élysée Montmartre, Paris

21 octobre 2019

“Jimmy Lee” par le menu. Pour son grand retour à Paris intra-muros, Raphael Saadiq joue à fond la carte de la nouveauté. Soit les douze titres de son nouvel album paru fin août exactement dans le même ordre. Du solide vu la qualité du répertoire mais aussi une pointe d’ennui due à des structures de morceaux très linéaires qui, sans leurs parures sonores peaufinées en studio, auraient mérité une dose de piment pour mieux tenir la distance sur scène. D’autant plus que le dandy d’Oakland est venu en formation réduite : son fidèle Rob Bacon à la guitare lead et un tandem rythmique (Alvin Ford Jr. et Quan Quizzle) efficace et appliqué. De quoi oublier l’entame brouillonne et les approximations de son passage à l’Afropunk en juillet dernier, mais insuffisant pour créer cette dynamique éclatante qui il y a dix ans renversait les salles.

S’il saisit souvent sa Telecaster joliment décorée pour tailler quelques rythmiques, Saadiq ne prend plus la basse et on y perd clairement au change. Ce soir, les seules incartades seront des solos incendiaires de Bacon et quelques autres grosses ficelles de rock star. En revanche, Saadiq le soulman est en grande forme, bien mis en valeur par une sono qui permet d’apprécier les fines nuances de ce chant angélique qui ne vieillit pas. Ravi, radieux, Raphael prend le temps de raconter des bouts de lui pour étayer cet album si personnel, rude mais pas si sombre, en évoquant l’humour de son frère toxicomane (avant l’implacable Something keeps calling) ou le pouvoir de la mini paroisse de son mentor Roy Taylor (avant le gospel à l’ancienne de Belongs to God). Oublions vite ces chœurs renforcés par des bandes et retenons un temps fort quand cette longue version de Riker’s Island débouche sur une reprise du thème à fleur de peau.

Raphael aime Paris, Paris aime Raphael, c’est ainsi et ça se sent, encore davantage quand il revient pour une seconde partie qui remonte memory lane. L’Élysée Monmartre ne se fait pas prier pour réagir à l’embardée ‘60s que Saadiq avait si bien incarnée dix ans plus tôt : Let’s take a walk, Love that girl, Keep marchin’ (avec une référence au Bataclan) et une déclaration d’amour à la capitale avec un « Sure hope you mean it Paris ». Et puis ce Still Ray sonne comme un puissant rappel qui nous laisse un peu sur notre faim : on aurait bien pris une dose plus forte du Saadiq du début des années 2000, celui de Lucy Pearl et d’“Instant Vintage”, celui ancré dans les vibrations R&B de Toni Tony Toné. Mais après tout ce temps passé loin des projecteurs, Raphael avait d’autres choses à dire. Un choix courageux, assumé jusqu’au bout.  

Texte : Nicolas Teurnier
Photos © Frédéric Ragot

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