;
Live reports / 22.02.2016

Ramsey Lewis

Longtemps décrié par ceux qui préfèrent que leur jazz soit chiant, Ramsey Lewis semble désormais avoir acquis, au bénéfice de l’âge sans doute, la respectabilité d’une figure majeure du genre, et c’est un New Morning bien rempli qui l’accueillait.

La première partie avait été confiée au duo associant la chanteuse Myriam Bouk Moun et le contrebassiste Mauro Gargano. Le format, atypique, est bien maîtrisé et le répertoire essentiellement original – en français, anglais et italien – ne manque pas de charge, mais les acrobaties vocales de Myriam Bouk Moun tendent à diluer le propos.

 


Ramsey Lewis

 

Après une courte pause, c’est au tour de Ramsey Lewis de rejoindre seul la scène. La démarche est hésitante, mais l’homme – qui a fêté ses 80 ans l’année dernière – porte beau, élégamment costumé et cravaté. Après un morceau seul au piano dans lequel émerge notamment des phrases issues du Maria de West Side Story, il est rejoint par les trois autres membres de son quartet (Joshua Ramos à la basse, Charles Heath à la batterie et Henry Johnson à la guitare) pour une version enlevée du Satin Doll d’Ellington. La suite du programme permet à Lewis de revisiter largement le répertoire des musiques afro-américaines du siècle précédent, passant sans hésitation de John Coltrane (Dear Lord) à Stevie Wonder (Living for the city), de standards du gospel traités en medley aux références brésiliennes. Seuls deux de ses propres compositions ont droit de cité, Blessings et Clouds. Si Lewis reste un soliste intéressant et original, il faut bien admettre qu’il a perdu en dextérité avec l’âge, et la musique reste poliment ronronnante, d’autant que certains effets paraissent fort routiniers. Le leader n’est d’ailleurs pas vraiment aidé par ses accompagnateurs, peu stimulants. Joshua Ramos, correct à la contrebasse, semble fort pataud lors qu’il s’empare de sa basse électrique, et inflige un interminable solo, joué à l’archet, au milieu du medley Dear Lord / Blessings, tandis qu’Henry Johnson semble déterminé à asséner tous les clichés du registre Johnny Moore-Oscar Moore à chacune de ses interventions solistes.

 

 


Joshua Ramos

 


Henry Johnson

 


Charles Heath

 

Il faut attendre le rappel pour que Lewis s’attaque à ses tubes. Wade in the water, en ouverture, reste fidèle à son enregistrement. Sun goddess, très bien accueilli, est l’occasion d’un hommage ému à Maurice White, décédé quelques jours plus tôt, et s’agrémente de quelques phrases empruntées à Eleanor Rigby, avant que les premières notes de The “in” crowd retentissent. Hélas, Lewis se contente d’en esquisser le thème avant de passer à autre chose, un medley de titres empruntés à Jimmy Reed, sur lequel se termine la soirée. Malgré quelques bons moments et le plaisir d’avoir pu voir un maître en action, le tout laisse une impression d’inachevé, sans que l’on sache s’il s’agit d’un jour “off” pour le groupe ou du résultat de la routine née d’une carrière qui dépasse désormais les cinq décennies…

Frédéric Adrian
Photos © Stella-K