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Live reports / 25.09.2012

RAHSAAN PATTERSON

 

Tour de force ! Ou plutôt tour de finesse. De la grande sensibilité qui émane de chacun de ses disques, Rahsaan Patterson s'en fait le pourvoyeur étincelant sur scène. Cette unique date en France n'a pas fait exception. De la soul à frissons.

C'est d'abord le duo londonien DivaGeek qui se présente, soit une chanteuse, Vula Malinga, secondée d'un guitariste, Ben Jones, véloce sur son acoustique et préposé aussi au lancement de pistes pré-enregistrées. Concision, intensité, abattage pour une soul contemporaine de bonne facture tiré de leur premier album “He Said, She Said”. Idéal pour faire monter la température, en toute cohérence avec la suite puisque ma première revient après la pause pour prendre la place de choriste, tandis que mon second s'assoit derrière la batterie. Avec une deuxième choriste, un bassiste et un guitariste dynamiques et attentifs, et sous la direction d'un claviériste aussi brillant que polyvalent (Daryl Hunt et son Rhodes, ses sons de piano, d'orgue, de clavinet…), mon tout va s'avérer être un groupe de premier choix pour porter haut monsieur Patterson.

 


Vula Malinga

 


Ben Jones

 

Chacun trouve ses marques dès l'entame du percutant Easier said than done. Groove et mélodie se propagent généreusement et on embraye sur Crazy (Baby), un autre titre du dernier album (“Bleuphoria”) lui aussi interprété sans chercher à recréer le son délibérément synthétique du disque mais en en prolongeant la pulsation ancrée dans le funk des années 80.

 

 

 

 


Daryl Hunt

 

Passée cette intense entrée en matière, Rahsaan puisera tout le reste du programme dans ses albums antérieurs. Dès la troisième cartouche, Burnin’, il y trouve matière pour sortir du cadre des versions enregistrées, prolongeant structures et arrangements, extrapolant les parties vocales. En cela le travail des deux choristes fut exemplaire, pétri de nuances, de répondant, de complémentarité complice. Mais celui qui vous embarque pour les sommets du Mont Chant, c'est bien Rahsaan. Absorbé, les yeux fermés. Tel un funambule qui amorce patiemment le pas suivant, lui s'imprègne du groove, laisse jouer son groupe, puis va chercher une note on ne sait où et déroule son falsetto à fleur de peau, quand il ne plonge pas dans les graves avec une aisance confondante. Ainsi, après un « retour en 1997 » avec Spend the night, Friend of mine est particulièrement prenant (appui décisif des chœurs qui insistent sur les « why did you do it? »), avant un The best à couper le souffle, introduit par un piano mélancolique qui prend le temps pour mieux le suspendre : la toile est tissée, vous voilà à la merci d'une haute voltige vocale. Frissons.

 

 

 

Feels good ramène ensuite le groove au cœur de l'action dans une version longuement étendue qui permet de présenter les musiciens. Chacun y va de son solo, crescendo, pour finir par un feu d'artifice funk tiré par Daryl Hunt depuis son clavier en mode “clavinet-qui-tache”. Stop breaking my heart illustre s'il en était encore besoin les vertus mélodiques des compositions de Patterson, avant un rappel imparable, une version bouillante de l'exquis I always find myself. Si plusieurs perles manquent à l'appel, c'est que son répertoire est désormais bien vaste (six albums). Que le New Morning n'ait pas fait le plein est par contre regrettable. Ça n'a pas empêché le public de manifester son plaisir ; souhaitons qu'il passe le mot avec le même entrain.

Nicolas Teurnier

Photos © Fouadoulicious