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Brèves / 26.04.2016

Prince Roger Nelson

Les articles de presse se sont multipliés depuis l’annonce, au soir du 21 avril, du décès de Prince, couvrant tous les aspects de sa vie et de son œuvre et tendant parfois à diluer ce qui constitue le cœur de la marque artistique qu’il a laissé, à savoir sa musique. Sans nier l’importance de son influence dans d’autres domaines – et notamment celui de la mode –, c’est essentiellement de son parcours musical qu’il s’agit ici.

Né à Minneapolis le 7 juin 1958 dans une famille originaire de Louisiane, Prince Roger Nelson se découvre très jeune un intérêt pour la musique, encouragé par son père, un pianiste de jazz qui se produit régulièrement avec son Prince Rogers Trio. L’enfance et l’adolescence sont le temps des premières explorations musicales et des rencontres avec certains de ses futurs collaborateurs. Chez des voisins chez qui il vit quelques temps après la séparation de ses parents, il fait la connaissance d’Andre Anderson, un jeune bassiste qui prendra plus tard le nom plus exotique d’André Cymone. Alors qu’ils sont encore au collège, tous deux rejoignent Grand Central, un groupe monté par un des cousins de Prince qui se produit un peu partout autour de Minneapolis avec un répertoire de classiques du funk. En cours de route, le cousin de Prince laisse place à un nouveau batteur, un certain Morris Day, et le groupe, qui commence à jouer son propre répertoire, se rebaptise Champagne. Vers 1977, Prince et André Cymone sont associés au projet monté par Pepe Willie, l’ancien mari d’une cousine de Prince, 94 East. Prince cosigne une chanson avec Willie et joue de la guitare sur plusieurs titres. Restés inédits à l’époque, ces enregistrements ressurgiront au moment de la gloire de Prince. Celui développe en même temps sa propre musique. En 1976, il enregistre de premières démos qui lui permettent de signer avec Warner Brothers, pour un premier album, “For You”, qui lui permet de décrocher un premier succès dans les classements soul avec Soft and wet. L’album suivant, simplement baptisé “Prince”, confirme et approfondit cette première réussite – I wanna be your lover atteint le sommet du hit-parade soul.

 

 

Mais c’est le troisième disque de Prince, “Dirty Mind”, qui lance réellement son œuvre majeure. Mélange parfaitement réussi de funk et de rock, reposant sur un usage original des sons électroniques et des paroles à haute teneur en vibrations sexuelles, “Dirty Mind”, paru en 1980 est un des disques qui contribuent à créer ce que sera le R&B de la décennie – pour le pire et le meilleur. Les années suivantes voient une frénésie d’activité du côté de Prince. Il publie plusieurs albums à succès (“Controversy”, “1999”, dont la chanson titre lui offre son premier succès international), monte son premier grand groupe (The Revolution) et lance un premier projet parallèle, The Time

 

 

L’année 1984 est celle de la consécration avec la parution de “Purple Rain” – l’album, la chanson et le film – qui contribuent simultanément à populariser la légende princière et à attirer l’attention des ligues de vertus emmenées par l’épouse du vice-président Al Gore, candidate déclarée au prix Nobel de la censure. La deuxième partie de la décennie est celle de l’accumulation des triomphes tant artistiques que, à quelques exceptions près comme le navrant film Under the Cherry Moon, critiques. En plus de ses disques personnels (“Around The World In A Day”, “Parade”, “Sign O' The Times”, “Lovesexy”) et de tournées devenues depuis légendaires, Prince développe de nombreux projets annexes pour différents “protégés”, d’ailleurs plus ou moins convaincants. Sa productivité à l’époque est telle que de nombreux enregistrements de cette période resteront longtemps inédits.

 


En 1995 © Randee St. Nicholas / Collection Gilles Pétard

 

Sa musique pour le film Batman de Tim Burton marque une rupture. Si le succès commercial est toujours au rendez-vous, le résultat artistique est moins convaincant, ce que confirment les disques suivants (“Diamonds and Pearls” et “Love Symbol”). Entré en conflit avec son label, c’est plus pour ses frasques et ses caprices – le fameux et fumeux changement de nom – que pour sa musique qu’on parle de celui qu’on appelle désormais “The Artist formerly known as Prince”. La fin des années 1990 est marquée par la parution, parfois dans une certaine confusion, de nombreux enregistrements, récents comme issus des archives, dont aucun n’attire réellement l’attention en dehors du cercle de ses fans les plus dévoués.

 

 

Libéré de son contrat avec Warner Bros en 2000, Prince retrouve son nom et, au moins partiellement, son inspiration, sur des disques comme le très exploratoire “The Rainbow Children” ou “One Nite Alone… Live !”. Après plus de vingt-cinq ans de carrière, il continue à publier régulièrement des disques dans une indifférence plus ou moins polie, certains étant même distribués gratuitement avec des journaux, mais c’est sur scène qu’il continuait à créer régulièrement l’événement, à coup d’apparitions savamment distillées et de prestations incendiaires. S’il n’avait rien publié d’essentiel depuis bien longtemps, sa popularité restait immense, auprès du grand public comme des autres musiciens, comme l’a témoigné le grand moment d’émotion qu’a suscité sa mort inattendue.

Frédéric Adrian

 


Au New Morning à Paris, la nuit du 22 au 23 juillet 2010 © Stella K