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Live reports / 23.08.2017

PORRETTA SOUL FESTIVAL (Part. 1)

À Porretta, comme ailleurs, on aime les commémorations. Cette année, elles ne manquaient pas : trentième anniversaire du festival, centenaire de la naissance de Rufus Thomas, soixantenaire de Stax. Remarquez, moi aussi, je revenais, vingt après une première visite, lors du dixième anniversaire. De quoi pointer les changements intervenus. Bien sûr, les rangs des soulmen historiques s'éclaircissent et il faut compenser avec de nouveaux venus, parfois discutables, mais, dans l'ensemble, la “charte de qualité” est bien respectée. Côté organisationnel, le festival a quitté le stade de foot excentré mais vaste pour le Rufus Thomas Park, en plein centre-ville, et qui se révèle les soirs d'affluence trop exigu pour accueillir une foule qui, du coup, obstrue vite les accès en occupant les marches des gradins, rendant tout déplacement risqué (surtout les mains chargées de gobelets !). Et sans parler des toilettes…

Des problèmes qui ne se posent pas le premier soir. Les groupes à l'affiche ne mobilisent pas les amateurs qui restent souvent à l'écart, au bar par exemple. Les Sweethearts, big band d'une vingtaine d'accortes Australiennes font preuve d'un bel engagement et reçoivent le renfort appréciable de Sax Gordon Beadle. Leur succède le Gaudats Junk Band, une formation italienne riche en couleurs avec ses instruments bricolés, genre trompette-tuyau d'arrosage-entonnoir, batterie-baril de lessive-couvercle de poubelle et guitare-boîte à cigares. Aux vocaux, Rick Hutton, l'inamovible maître de cérémonie du festival, est à son affaire, laissant libre cours à un tempérament volcanique. Il reprend avec aplomb les standards soul qu'il assortit de pas de danse étonnants. Dans le rôle de M.C. qu'il assumera tout au long du festival, il ne ménagera pas sa peine, qualifiant tous les artistes de “one and only” (forcément) et de les trouvant tous “fantastico” (ce qui peut se discuter).

Les Lucilles ne captèrent pas mon attention au-delà du quatrième morceau, malgré la bonne volonté de Lucille Hurt, ses deux choristes et son band étoffé. Même dans une configuration amputée de ses cuivres, les Originals JBs firent immédiatement la différence. La machine à groove fonctionnait pour accompagner une Martha High conquérante et sûre de son talent. Une mise en bouche prometteuse pour ce qui allait suivre le lendemain.

Les Originals JBs n'usurpent pas leur titre puisque tous ses membres ont accompagné James Brown. Alors, on revisite gentiment les standards (Make it funky, Baby, baby, baby…). La choriste Cynthia Moore n'apporte rien au new bag de papa, tandis que Fred Wesley fait une trop courte apparition (Pass the peas, Breakin' bread). C'est donc Martha High qui va donner vie à l'ensemble, comme la veille. Grâce à son charisme, les cuivres retrouvent les chorégraphies d'antan et le sourire. Cold sweat, Try me, The payback… et elle termine sur un magnifique morceau d'inspiration gospel, avant le final collectif obligé sur Sex machine.

 


Martha High

 


Fred Wesley

 


MC Danny Ray

 


Joe Collier, Tyrone Jefferson, Fred Thomas

 


Tyrone Jefferson

 


Damon Wood, Joe Collier

 


Martha High

 

Changement de plateau : l'Anthony Paule Soul Orchestra prend ses marques pour le reste de la soirée. Depuis des années, Alain Jacquet chante (avec raison) les louanges de cette formation qui valorise les vocalistes sans s'effacer derrière eux. Le guitariste Anthony Paule en est le leader incontestable, mais D'Mar, le batteur, focalise tous les regards. Pour son jeu aussi élégant que puissant, ses jongleries de baguettes et ses sauts spectaculaires (Lionel Hampton l'aurait adoubé). Un groupe de trois choristes complètent la formation, Sweet Nectar dont on entend à la suite en solo Sue McCracklin (dans le The walk de son papa) et Loralee Christenson.

 


Anthony Paule

 


Loralee Christenson

 


D'Mar

 

Place ensuite à une série de performers. La tenue de Falisa Janaye tient de la catcheuse et de la reine de Saba, mais elle a la pêche, un joli brin de voix et elle choisit bien ses reprises (I don't want to be right, Baby workout…). Après, ça se gâte avec le guitariste Scott Sharrard, ex-Gregg Allman Band, un peu hors-sujet, même s'il rend hommage au studio Royal. La chanteuse LaRonda Steele (de Portland) ne démérite pas mais n'impressionne pas non plus, même si elle est rejointe par Bernard “Pretty” Purdie, le batteur légendaire (d'Aretha Franklin à Ornette Coleman), qui aurait pu être mieux employé. D'autant qu'il reste pour accompagner Rob Paparozzi qui a, nous dit-on, fait partie du Blues Brothers Band et de Blood Sweat & Tears. Mais dans leurs derniers soubresauts alors. C'est un chanteur médiocre et un harmoniciste narcissique ; il en fait des tonnes et confond jeu de scène et gymnastique. Horripilant !

 


Falisa Janaye

 


LaRonda Steele

 


Bernard “Pretty” Purdie

 


LaRonda Steele, Rob Paparozzi

 


Anthony Paule, Brenard Purdie

 

Heureusement, la soul va enfin reprendre ses droits avec Willie Hightower, un de ces héros cachés de la southern soul, dont les faces Capitol des années 1960 furent exhumées par un CD Honest Jon's de 2005. Toujours fringuant, et pleinement en osmose avec l'orchestre d'Anthony Paule, il redonna vie à ses tubes oubliés : It's a miracle, Walk a mile in my shoes et termina avec la participation du public sur l'inoxydable If I had a hammer. Un bon moment, digne de ce festival, avant que le naufrage…

 


Willie Hightower

 


Willie Hightower

 

Je ne sais pas qui a affublé Barbara Blue du titre de “Reigning Queen of Beale Street”. Un humoriste sans doute. Car la dame ne possède rien de ce qu'on attend sur une telle scène : talent vocal, répertoire, grâce, même pas une trace d'humour. Après trois titres, j'ai déserté, regrettant de ne pas attendre Toni Lynn Washington, et m'en remettant à la séance de rattrapage du dimanche. Je laisse à mes camarades le soin de vous raconter la suite, heureusement plus glorieuse.

Jacques Périn
Photos © Brigitte Charvolin

 


Barbara Blue