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Live reports / 12.08.2019

Porretta Soul Festival 2019 (Part. 2/2)

20 et 21 juillet 2019.

Au Porretta Soul Festival, chaque soirée de concerts dure environ six heures. Et comme dans l’enceinte du Rufus Thomas Park, il est possible de se restaurer, des sanitaires sont indispensables. Cette année, petit changement dans la continuité : deux toilettes en dur ont avantageusement remplacé les anciennes “chiottes chimiques”. À quand cependant l’installation de toilettes sèches ? Encore un effort, por favor

Samedi 20 juillet

Sur scène, et c’est bien l’essentiel, Curtis Salgado a pour mission d’ouvrir la soirée du samedi, l’une des plus prisées. En tournée avec un groupe aux trois quarts français emmené par le batteur Fabrice Bessouat, le chanteur de Portland, Oregon, donne sa version d’une soul blues assez classique et riche en références. Un seul exemple : son Walk a mile in my blues, extrait de “The Beautiful Lowdown”, est à coup sûr inspiré du Walk a mile in my shoes cher à Otis Clay. En bonne forme, l’ancien membre du Robert Cray Band possède une voix profonde et puissante qui lui permet notamment de rendre de beaux hommages à O.V. Wright (Gonna forget about you) ou encore à Larry Williams (Slow down). Prochainement, il devrait publier un nouvel album, up-tempo voire rock ‘n’ roll sur le label de Chicago, Alligator. Bonne nouvelle. 

Après l’apéritif, les mises en bouche. Quelques instrus du meilleur orchestre soul de Californie, celui d’Anthony Paule ; deux bons morceaux de la choriste Omega Brooks ; un passage dispensable de l’Australienne basée à Londres Georgia Van Etten ; et enfin la venue LaRhonda Steele. Originaire elle aussi de Portland, celle qui est avant tout une chanteuse de gospel a pour feuille de route de rendre hommage à Aretha Franklin. Avec beaucoup de naturel, elle reprend des classiques (Rock steady, Respect, Chain of fools) mais cite aussi les légendaires concerts du Fillmore West (Love the one you’re with de Stephen Stills et Spirit in the dark). En revanche, malgré sa grande beauté, je n’accroche pas à Imagine de John Lennon et regrette de n’entendre aucun morceau original. Excellent moment tout de même. Et sentiment d’avoir découvert une belle artiste. 

Curtis Salgado
Kriss Jefferson
Damien Cornélis
Anthony Paule, LaRhonda Steele
Curtis Salgado, LaRhonda Steele

Il est temps ensuite de convoquer la soul de Memphis. Cette année, Wee Willie Walker est sur l’affiche du festival ; il n’a pas arrêté de fumer, mais il n’en finit pas de rire et de nous ravir. Cinquante ans après ses faces Goldwax, celui qui a retrouvé le chemin de la chanson lors d’une croisière blues poursuit son parcours aux côtés du couple de songwriters Anthony Paule et Christine Vitale. Ce soir, le public a la primeur de trois nouvelles chansons : Make your own good news, What is it we’re not talking about et Over and over. De l’aveu même de leurs auteurs, ces morceaux ont besoin d’être joués, encore et encore, avant leur enregistrement en studio en septembre. Mais déjà, que c’est bien ! Très William Bell pour le premier, habilement choral pour le deuxième, profondément gospel pour le troisième. La sortie du nouvel album est prévue en début d’année prochaine. En attendant, ce soir, il n’y a qu’à dérouler : I don’t want to take a chance, I’ve been watching you, jusqu’aux désormais classiques After a while et Read between the lines

Tant qu’à se déplacer à Memphis, autant y rester. Wendy Moten n’a pas de mots assez chaleureux pour dire sa joie d’être ici et maintenant. « Thank you for keeping Memphis music alive », répète-t-elle à volonté. Elle dont le succès remonte au début des années quatre-vingt-dix (Come in out of the rain, nous apprend Wikipédia) ne manque pas de rendre hommage à Rufus Thomas, à Aretha (encore) et aux Staple Singers (Oh la de da). Les duos avec Jerry Jones et Wee Willie sont bien aussi, évidemment. 

À voir Tony Wilson s’agiter en coulisses pendant des heures, on pouvait craindre le pire. Présenté comme le “jeune James Brown”, le chanteur et acrobate cultive sa ressemblance avec le Parrain de la soul. Ce qui, évidemment, ne fait pas de lui un grand artiste. Vocalement, ça passe sur les morceaux rapides. Mais ça casse sur It’s a man’s world. Voilà les limites de ce qu’on appelle en France les spectacles “tribute” : non pas un hommage, mais une copie plus ou moins pâle de l’original. Ce soir, le grande finale était tout au mieux divertissant. 

Wee Willie Walker
Anthony Paule, Wee Willie Walker
Wendy Moten
Wendy Moten, Jerry Jones
Wendy Moten, Wee Willie Walker
Tony Wilson, The Sweethearts, Anthony Paule, D’Mar

Dimanche 21 juillet

Ulrick Parfum a déjà écrit tout le bien que l’on pense des formidables Sweethearts : dimanche soir, les jeunes Australiennes donnent le meilleur d’elles-mêmes pendant une heure d’un show tiré au cordeau. Il faut les voir pour le croire. Mention spéciale à leur reprise d’un titre de Snarky Puppy. Elle ne jouent pas que de la musique d’hier et c’est tant mieux. 

La suite sera du déjà vu, mais pas toujours du déjà entendu. Même si certains (Annika Chambers et Leon Beal) n’ont pas eu le temps de revenir d’un concert donné la veille au Portugal, la photo de famille finale est belle et joyeuse. Avec Anthony Paule, l’orchestrateur en chef, on ne s’ennuie jamais : chaque jour, il renouvelle la set list de son groupe. Si bien que, quelques heures avant de monter sur scène, Larry Batiste avouait devoir encore apprendre par cœur les paroles d’un titre de Stevie Wonder de son choix : You met your match (Tamla, 1968). Bien sûr, il l’a fait et ça l’a fait. Idem avec I don’t know why tiré du répertoire de Memphis.

The Sweethearts
Larry Batiste
Willie West
Curtis Salgado, Wee Willie Walker
Anthony Paule, Wendy Moten, Wee Willie Walker, Georgia Van Etten, D’Mar, Khylah B
Endre Tarczy, Chilly Bill Rankin, Willie West, Jerry Jones
Wendy Moten, Georgia Van Etten, Khylah B, Jerry Jones, Judy Lei, Chilly Bill Rankin, Willie West, Tony Wilson

Après, on danse mais on est déjà un peu triste. Parce que le rideau va bientôt tomber et qu’on ne sait pas encore quand on va se revoir. « Tu peux remporter le phono / Moi je conserve le piano », chante Léo Ferré dans La vie d’artiste. « Dis, quand reviendras-tu ? », se demandait pour sa part Barbara. Autrement dit, la 33e édition du Porretta Soul Festival aura-t-elle lieu à la mi-juillet de l’année prochaine ? On ne sait pas encore. Avant tout, Graziano Uliani, celui par qui tout arrive, s’emploie à caler la tournée de son festival dans les Canaries, à Maspalomas. Wait and see, donc. En attendant, qui écrira une chanson intitulée Do you know what it means to miss Porretta ? 

Texte : Julien Crué
Photos © Brigitte Charvolin

Bill Ortiz, Anthony Paule, D’Mar, Endre Tarczy
Anthony PauleAnthony StelmaszackBrigitte CharvolinCurtis SalgadoD’MarDamien CornélisFabrice BessouatfestivalJulien CruéLaRhonda SteeleLarry BatistePorretta Soul FestivalTony WilsonWendy MotenWillie West