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Live reports / 23.07.2010

PORRETTA SOUL FESTIVAL

Malgré une affiche un peu en demi-teinte, pour cause de désaffection peu élégante de Candi Staton, le public répond toujours en masse à l’invitation de l’équipe de Graziano Uliani, et malgré l’absence de grande tête d’affiche le théâtre du parc Rufus Thomas est copieusement rempli chaque soir.

 

Après une soirée d’ouverture (gratuite) à laquelle nous ne pouvons assister, c’est le Rare Groove Orchestra, un quartet instrumental hollandais, qui ouvre la soirée du vendredi. Si ça n’est pas toujours passionnant musicalement, le groupe connaît son boulot et assure le show,  faisant monter la température dans le public. Ce sont les italiens de Soul Village, le nouveau groupe de l’excellent chanteur et organiste Sergio Cocchi (un habitué du festival avec les Soul Spinners) qui leur succèdent, vite rejoints par la chanteuse basée à Chicago Chick Rodgers, assistée de deux très bonnes choristes. Très influencée par Aretha, elle donne un superbe show très dynamique, à base de reprises : très supérieure à bien des divas autoproclamées habituées des planches de Porretta, elle est pour beaucoup la révélation de cette édition !



Chick Rodgers
 

C’est Thelma Jones qui lui succède, accompagnée de l’orchestre maison mené cette année par le clavier Paul Taylor. Elle semble hélas paralysée par le trac, et son set s’avère passablement ennuyeux, bien qu’elle soit plutôt en voix et que son répertoire soit centré sur ses propres enregistrements, de The house that Jack built à la ballade Salty tears, en passant par sa formidable version de Now that we found love, emprunté aux O’Jays.



Thelma Jones

Rodney Ellis, un temps chanteur de Kool and the Gang, clôt à la soirée –bien trop longue, un défaut récurrent de Porretta- à coup de standards pas très originaux mais efficaces : à défaut d’être un chanteur particulièrement distinctif, il est un bon showman.



Rodney Ellis

 

 Le samedi soir s’ouvre sur une prestation totalement hors sujet du pianiste texan Bruce James, dont on se demande bien ce qu’il fait là, suivi de ce qui était annoncé comme un hommage au producteur Willie Mitchell par le très bon groupe italien Groove City, renforcé par le saxophoniste showman Sax Gordon. Si l’hommage à Mitchell se résume à quelques instrumentaux, l’ensemble est plaisant, d’autant que le groupe est rejoint par quelques invités de goût : l'organiste Charlie Woods, le guitariste Bobby Manuel – très inspiré – et le fort bruyant bassiste Dywane Thomas.



Sax Gordon Beadle
 

C’est ensuite à l’orchestre maison de faire son retour pour accompagner les stars de la soirée. C’est par un hommage à Otis Redding que commence le programme : si le répertoire est un peu plus original que d’habitude, le chanteur McKinley Moore, annoncé très abusivement comme la réincarnation vocale du Big O déçoit, d’autant qu’il semble particulièrement peu à l’aise sur scène.



McKinley Moore
 

Clay Hammond, qui lui succède, est bien diminué physiquement (il chante assis) et cela se traduit aussi sur son chant : si la voix est là, il a le souffle court et parfois du mal à projeter, voire à articuler. Le choix d'un répertoire sans intérêt (Soul Man, Change is gonna come, Down home blues) interdit de se passionner pour son passage, malgré un beau titre original gospel et une version revue de son Part-time love.



Clay Hammond
 

Les Green Brothers sont la redécouverte de l’année : suite à leur formidable album paru il y a quelques mois, ils se produisent ici pour la première fois sur scène depuis… 1974 ! Malgré le soutien de Bobby Manuel à la guitare, ils semblent très intimidés. La qualité de leurs deux voix et du répertoire proposé –i ntégralement tiré de leur album – et l’émotion sincère qui se dégage de leur prestation rend quand même le résultat attachant.



The Green Brothers (Bobby à droite, Al à gauche) et Bobby Manuel (guitare)

C’est la plus qu’octogénaire LaVelle White, peu vue en Europe depuis l’époque où elle enregistrait pour Antone’s, qui clôt – très tard, à nouveau – la soirée avec un répertoire de reprises variées. Malgré son âge, sa voix est toujours là, mais c’est son jeu de scène très sexuel qui marquera le plus le public !



LaVelle White

 

Le dimanche commence par un court récital gospel à l’église de Porretta, avec une des choristes de l’orchestre, Bobby Green, Clay Hammond et Thelma Jones. Fred Wesley ouvre la soirée au parc Rufus Thomas avec son show habituel qui fonctionne toujours aussi bien : il faut dire que Wesley, en plus d’être un musicien majeur, est un généreux showman, qui réussit à se mettre dans la poche un public pourtant peu habitué à ce style de funk essentiellement instrumental.



Fred Wesley
 

Comme chaque année, c’est une revue de l’ensemble des artistes qui se sont produits avec l’orchestre maison qui clôt le festival, tous revenant faire deux chansons. Si le programme est dépourvu de surprises –tous les artistes reprennent des morceaux déjà interprétés les jours précédents-, le résultat est plutôt réussi, certains artistes – les Green Brothers, en particulier – semblant bien plus à l’aise.



The Green Brothers

 

Sans être un immense moment musical, une édition plaisante de plus pour le plus grand festival soul d’Europe. Reste que les organisateurs vont sans doute devoir se poser la question de la raréfaction et de l’état de santé déclinant des héros habituels du festival : le succès de Fred Wesley est-il l’indication d‘une voie à explorer ?

Texte Frédéric Adrian
Photos Alain Jacquet