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Live reports / 15.12.2022

PJ Morton, Pan Piper, Paris

20 novembre 2022.

Habitué du Bizz’Art, où il a donné quelques concerts mémorables en 2017, 2018 et 2019 (et Soul Bag y était : soulbag.fr/pj-morton/ et soulbag.fr/pj-morton-2/), PJ Morton n’était pas venu en Europe depuis la pandémie, et il faut bien le Pan Piper pour accueillir la foule de ses admirateurs – je doute qu’il continue longtemps à se produire dans des salles de cette taille, d’ailleurs. 

Depuis 2019, la carrière de Morton n’a cessé de se développer avec en particulier le Grammy gospel reçu en 2021 pour son “Gospel According to PJ: From the Songbook of PJ Morton” et sa participation à l’album “We Are” de Jon Batiste, et il est encore nommé dans trois catégories pour la cérémonie de l’année prochaine. Pour la peine, nombre de spectateurs ce soir découvrent pour la première fois l’artiste sur scène – il fait un sondage en début de concert pour identifier les nouveaux, et une large majorité de mains se lèvent –, et ils ne seront pas déçus.

Sly Johnson, annoncé en première partie, ayant dû renoncer à sa prestation pour raison de santé, c’est au DJ JP Mano, un autre habitué du Bizz’Art, qu’il appartient de chauffer l’ambiance, avec son mélange habituel de soul 1970-1980 pimenté de quelques épices gospel. Le public – qui a fait pour une partie la queue devant la salle plus d’une heure avant l’ouverture des portes – est chauffé à blanc quand montent sur scène les musiciens de PJ Morton : des anciens comme le bassiste Brian Cockerham, déjà là sur l’album de 2007 “Perfect Song”, ou le batteur Ed Clark (présent sur “Emotions” en 2005 !), des habitués comme le guitariste Shemaiah Turner et le choriste Jarell Bankston et une petite nouvelle – visiblement très bien intégrée – en la personne de la choriste Tiondria Cooper-Norris. 

C’est par My peace, une des chansons phares du dernier album “Watch The Sun”, que Morton ouvre sa prestation, assis à son clavier, avec Tiondria Cooper-Norris qui reprend la partie assurée par JoJo sur la version originale. Le public réagit dès les premières notes de Ready, la chanson qui ouvrait en 2019 l’album “Paul”, et accompagne à pleine voix le chanteur. C’est d’ailleurs un vrai plaisir d’entendre, comme souvent dans les concerts de soul contemporaine, des spectateurs motivés et connaisseurs soutenir de la voix les artistes – à l’exception peut-être de mon voisin immédiat, apparemment convaincu d’être en train de passer les auditions de la Star Academy. Cette implication collective contribue, évidemment perceptible par les personnes sur scène, contribue à transformer le récital en expérience communautaire encore plus intense. Il fait chaud, bien au-delà de la température, dans la salle du Pan Piper alors que le concert ne fait que commencer et Morton peut plaisanter sur la mauvaise idée qu’il a eu quand il a commencé à porter des bonnets sur scène, un élément désormais constitutif de son image. 

Visiblement heureux de l’accueil du public parisien, il déclare : « The best thing I can be is myself », avant de se lancer dans une belle interprétation de l’intense Claustrophobic, puis de l’accrocheur Sticking to my gun. Mais c’est la ballade Please don’t walk away, extraite “Watch The Sun”, qui fait à nouveau fondre un public visiblement amateur de grandes chansons romantiques et qui n’hésite pas à suppléer les choristes sur le refrain. Même sans Stevie Wonder – invité sur la version studio –, Be like water garde belle allure et So lonely continue sur la lancée. Tiondria Cooper-Norris est à nouveau en avant pour remplacer Alex Isley sur le très beau Still believe. Après une version à rallonge de Yearning for your love, c’est en mode piano-voix – un format qui lui va à ravir – que Morton engage l’émouvant We began, évoquant naturellement l’esprit d’un Donny Hathaway, avant que l’orchestre le rejoigne. Plus léger, Go thru your phone, issu de “Gumbo”, passe aussi très bien avant une dernière ballade, Say so, à nouveau reprise à pleine voix, Tiondria Cooper-Norris se glissant une fois de plus brillamment dans le rôle de JoJo. Le medley qui associe Alright et Everything’s gonna be alright (de “Gumbo”), repris en mode jam après une “fausse fin” offre un bon final optimiste à la soirée. 

Impossible d’imaginer cependant que la soirée s’arrête ainsi, et PJ Morton et ses musiciens reviennent avec une Better benediction pour laquelle le public se transforme en congrégation – en toute logique pour un concert du dimanche ! – avant la reprise du How deep is your love des Bee Gees devenue un classique des concerts de Morton qui constitue le point final d’une prestation sans temps mort ni faiblesse… Si Morton sera de retour en France cet été dans un autre contexte, avec ses collègues de Maroon 5 – il a d’ailleurs laissé entendre que des « pop-up shows » pendant cette période étaient possibles –, espérons qu’il ne faudra pas attendre cette fois-ci trois ans pour le revoir sur une scène française sous son propre nom.

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Andrew Bui

Frédéric AdrianPan PiperPJ Morton