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Live reports / 02.08.2012

NUITS CAJUN ET ZYDECO


Gerard Delafose

Les Nuits Cajun et Zydeco de Saulieu, l’une des plus importantes manifestations pour la promotion de la culture louisianaise en Europe, proposaient une programmation riche et variée sous la direction de Didier Lonjard, pilier fondateur de ce festival qui fêtera ses 20 ans l’an prochain.

Cinéma, gastronomie (avec le chef louisianais Michael Richard), musique et danse sont les ingrédients majeurs de ces cinq jours fortement épicés accueillant un public international avide de découvertes musicales et fortement accroc au two-step.

Chaque jour, les terrasses des bistrots s’éveillent au son du violon et du mélodéon et des bals gratuits sur une place ombragée donnent le ton convivial à ce festival qui propose en point d’orgue deux grandes soirées dansantes animées chacune par quatre groupes dont les têtes d’affiche incontestées en provenance directe de Louisiane.

Si en Louisiane la tendance actuelle semble plus orientée vers le zydeco que vers le cajun “vieille manière”, la programmation de Saulieu ne semble pas quant à elle privilégier telle ou telle sensibilité et se révèle donc très équilibrée.

 

Vendredi 3 Août – Nuit de la Bourgogne

 

Pain d’Maïs, groupe français expérimenté, ouvre le grand bal de la Nuit de la Bourgogne avec un répertoire panaché, ancré dans la musique cajun traditionnelle et flirtant parfois avec le zydeco, proposant aux danseurs un assortiment de two-step, valses et cajun freeze (variante du madison). Quelques compositions personnelles enrichissent avec bonheur ce répertoire – Two-step de Pontchartrain de l’excellent violoniste Vincent Giarrusso ou Laisses la s’en aller du non moins méritant Alain Serres (guitare, chant). Rappel fort mérité.

 

Whiskey River, certainement le groupe le plus blues de ce festival, se présente comme une formation plus électrique au sein de laquelle la guitare tient une place non négligeable, ne se contentant pas du rôle rythmique traditionnel. Ces gallois, dans leur démarche résolument blues reposant sur une bonne assise rythmique basse-batterie nous offrent des versions originales de Caldonia, Cotton fields ou Hound dog pour ne citer que quelques-unes des reprises proposées. Ils n’hésitent pas à inviter sur scène l’harmoniciste Ad Van Emmerick (du groupe néerlandais Zydegonutz) sur deux morceaux ou un ami chanteur sur un titre pour une prestation très dynamique. À noter que Martin Blake, guitariste du groupe, se révèle meilleur chanteur que son compère Aidan Sheehan (mélodéon, harmonica).

 


Vincent Giarrusso (Pain d'Maïs)

 


Aidan Sheehan (Whiskey River)

 


Martin Blake (
Whiskey River)

 

Gerard Delafose, de Eunice, LA est la tête d’affiche américaine de cette soirée en compagnie de ses Zydeco Gators. Ce jeune cousin de Geno Delafose (qu’il accompagna d’ailleurs comme batteur) se révèle bon accordéoniste dans un répertoire faisant la part belle à un zydeco entraîné par une rythmique implacable (guitare, basse et batterie) sous l’impulsion du jeune Ruben Moreno, littéralement déchaîné au rubboard. Ce même Ruben Moreno a par ailleurs enregistré récemment un CD sous son nom propre – CD sur lequel il officie à l’accordéon. Ça balance un maximum pour le plus grand plaisir des danseurs. À noter une très agréable version de Baby please don’t go suintant le blues à chaque phrasé d’accordéon. Bien que ce ne soit pas la tradition dans les festivals louisianais, deux rappels furent nécessaires pour satisfaire l’enthousiasme du public.

Pour clore cette soirée, les Néerlandais de Downtown Cajun Band, déjà entendu sur cette même scène en 2009, entre par La porte de derrière et délivre jusque tard dans la nuit un répertoire cajun assez classique (à l’image de ce premier titre) mettant en valeur l’homogénéité du groupe et sa maîtrise de la musique à danser.

 


Gerard Delafose

 


Ruben Moreno

 

Samedi 4 Août – Nuit de la Louisiane

 

Le groupe français Bayou sur Seine du violoniste Fabrice Caillard (entendu ici même avec Bal de Maison en 2010) et la formation allemande Cajun Roosters, en vedette sur cette scène principale en 2009, lancent ce grand bal de la Nuit de la Louisiane, le premier dans un style cajun traditionnel, le second ajoutant quelques touches zydeco. Le Britannique Chris Hall, chanteur accordéoniste de Cajun Roosters, montre si besoin était qu’il est toujours l’un des meilleurs instrumentistes européens dans sa discipline pour ce type de répertoire. Il est à remarquer que la chanteuse Hazel Scott accompagne désormais le groupe à la guitare acoustique en lieu et place de l’Allemand Klaus Warler dans la version 2009 des Cajun Roosters. Ceci peut éventuellement expliquer le fait que le groupe ait gagné mélodiquement avec un chant plus varié et plus consistant.

 


Fabrice Caillard (Bayou sur Seine)

 


Chris Hall (Cajun Roosters)

 


Hazel Scott (Cajun Roosters)

 

En vedettes américaines : les louisianais de Marais Bouleur. Vous ne connaissez pas et pour cause. Ce groupe formé de toutes pièces à l’initiative d’Yvette Landry pour l’occasion ne donnera donc qu’un seul et unique concert avant dissolution le soir même. C’est toujours un véritable plaisir de retrouver la souriante bassiste Yvette Landry, habituée des Nuits Cajun et Zydeco de Saulieu (avec Randy Vidrine et le groupe Lafayette Rhythm Devils en 2009, avec Bonsoir Catin en 2010).

Entourée de quatre jeunes musiciens très talentueux dont les excellents Chris Segura au violon et Blake Miller au mélodéon (artistes entendus respectivement avec Feufollet en 2010 et Lafayette Rhythm Devils en 2009), Yvette Landry partage avec le public sa joie de vivre et l’amour qu’elle porte à la musique cajun. Elle chante (One bourbon, one scotch, one beer) et joue même quelques titres (La valse criminelle) au mélodéon, cédant sa basse à Blake Miller. À l’exception du batteur Danny Devillier, tous chantent avec plus ou moins de bonheur en ce qui concerne Jacques Boudreaux, jeune guitariste de Bâton Rouge, LA. La performance de Blake Miller dans ce domaine est plus qu’honorable, ce dernier assumant parfaitement son rôle de leader d’un soir. Blake Miller compose également dans la plus pure tradition cajun comme ce two-step La jolie fleur du bois ou Des promesses, une valse chantée par Chris Segura. Ovationnés par le public, les musiciens interprètent un Bosco stomp très enlevé en guise de rappel.

 


Blake Miller (Marais Bouleur)

 


Chris Segura (Marais Bouleur)

 


Yvette Landry (Marais Bouleur)

 

La toute jeune américaine Emilie Vidrine (guitare, chant) avait la charge de terminer cette soirée accompagnée de ses Tee Franglais. Emilie, fortement influencée par Sarah Savoy, fait preuve de belles qualités vocales. Un chant qu’elle partage avec le jeune accordéoniste français Samuel Giarrusso, fils de Vincent Giarrusso (Pain d’Maïs). Si le jeune homme assure convenablement le chant, son jeu de mélodéon reste encore perfectible, notamment sur les titres rapides qui peuvent paraître parfois un peu hachés, impression renforcée par son jeu de scène tant il semble se battre avec son instrument. Il nous gratifie néanmoins d’un blues lent très inspiré.

 


Emilie Vidrine

 


Samuel Giarrusso

 

Pour compléter cet inventaire d’une programmation riche et de qualité, signalons que Maman Roulaille (quartet féminin français) se produisit chaque jour lors des bals en plein air, partageant la scène avec les autres groupes européens, et que Blue Bayou, groupe local de l’omniprésent Didier Lonjard au mélodéon assura comme à son habitude la première partie du bal de la Nuit de l’Europe le dimanche soir, bal où se produisirent Whiskey River et Cajun Roosters.

Signalons également que la soirée de lundi, nouveauté oblige, fut consacrée au carnaval louisianais – costumes, masques et colliers de rigueur pour ce bal auquel je ne pus malheureusement assister.

 

Comme vous l’aurez compris, cette dix-neuvième édition des Nuits Cajun et Zydeco de Saulieu avait pour ambition de faire le point sur les valeurs sûres de la scène européenne dans ce genre musical et de permettre la découverte (ou redécouverte) de talentueuses jeunes pousses de la scène américaine, en attendant de fêter dignement le vingtième anniversaire de ce festival incontournable avec une programmation 2013 qui devrait être à la hauteur de l’évènement.

 

Texte et photos Jean-Philippe Porcherot