;
Live reports / 03.10.2013

Nuits Cajun et Zydeco

Il y a déjà maintenant vingt ans que chaque premier week-end d'août, la ville de Saulieu a rendez-vous avec la Louisiane. Le bourgogne y fréquente alors tranquillement les jambalayas, écrevisses, gumbos et autres plats cajuns préparés avec le chef Michael Richard et l'aide des bénévoles, pendant que les danseurs, fidèles et infatigables, envahissent le paquet du Hall Jean Bertin.

Cette année, c'était aux sons de groupes venus de toute la France avec leurs accordéons, violons, guitares… et de leurs chants nasillards : Bal de Maison, 4 Jeun's, Eric Martin, Blue Bayou, Pain d'Maïs, Cajun Express (hélas sans son créateur Christian Gualdi), etc. Mais il fallait aussi compter sur quelques Européens avec River Zydeco Band et Colin & The Crawfish, car Britanniques, Hollandais, Allemands viennent aussi défendre cette musique  “française” en ces terres de Morvan. Au fil des ans, quelques Américains, et pas des moindres, ont aussi  enflammé ce petit festival, unique dans l'Hexagone : Roy Carrier, Tino et Geno Delafosse, Jimmy Thibodeaux, Zydeco Joe, Dexter Ardoin, Bruce Daigremont, Leroy Thomas, les vétérans Hackberry Ramblers ou les jeunes Pine Leaf Boys…

 


4 Jeun's

 


Blue Bayou

 

Pourtant, restrictions obligent, il a fallu le soutien moral et musical des groupes français venus jouer bénévolement, pour pouvoir souffler ces vingt bougies. Pour faire quelques économies de plus, au grand regret de certains, le bal gratuit n'a pas eu lieu sous les tilleuls de la place Monge, rendant un peu triste le marché ou la braderie : tout a été concentré sur l'espace Jean Bertin. Ceci ne manqua pas d'alimenter quelques discussions et polémiques autour des verres et des tables. Il est vrai que l'année passée, pour éviter les trombes d'eau et le froid, le bal s'était réfugié dans la grande salle. Là, le temps était bien chaud, presque caniculaire, rappelant le Sud louisianais.

 

 

En vedette cette année, Steve Riley, déjà présent pour les 10 ans, sera le seul invité américain. Référence de la tradition et de la modernité de la musique cajun, accompagné par l'élégante guitare de Sam Broussard, il procure un plaisir dont il faut profiter le temps d'une valse, d'un madison, d'un two-steps ou d'un rock and roll, tout en appréciant la qualité musicale. Interrompant la prestation du groupe, une surprise attendait le directeur du festival Didier Lonjard : un beau gâteau, en forme d'accordéon. Avec plein de remerciements chaleureux, sympathiques et décontractés des aficionados du festival depuis vingt ans. Puis, rapidement, les musiciens reprirent possession de la scène et les danseurs de la piste, jusqu'à tard dans la nuit.

 


Sam Broussard

 


Steve Riley

 

Les nuits Cajun et Zydeco de Saulieu, c'est aussi des stages d'instruments et de danse qu'il est immédiatement possible de mettre en pratique pendant les jam-sessions et sur les planchers. Sans oublier, le jeudi, en ouverture, la treizième Nuit du festival du film de Louisiane.

Le dynamique Jean-Pierre Bruneau avait encore concocté quelques documentaires originaux avec en prime une fiction : Les Bêtes du Sud Sauvage de Benh Zeitlin (2012). Ce conte immergé dans l'ambiance des marécages, avec en bande-son quelques airs de blues, de jazz et de cajun, raconte l'histoire d'une petite fille de 6 ans, Hushpuppy, qui survit dans le bayou. Poisseux, humide, violent et tendre comme les gens et la “famille” du marais, le film fait resurgir le souvenir du désastre de Katrina avec son ambiance “fin du monde” et nous met parfois mal à l'aise. La performance de la petite Quvenzhané Wallis a été reconnue mondialement, mais nous sommes loin d’un film pour enfant.

En exclusivité, Robin Marck et Marie Lafon étaient invités à présenter La Louisiane par exemple (2012), nouveau vagabondage en terre acadienne à la recherche de la culture francophone sur les traces du passé et le souvenir du Grand Dérangement au cours duquel les Acadiens furent déportés. Le film compile interviews au gré des rencontres, avec parfois une sensation de déjà-vu. Mais revoir, par exemple, Hadley Castille, juste avant sa disparition est un plaisir qu'il ne faut pas bouder. Il y a quarante ans, pour son film Dedans le Sud de la Louisiane, Jean-Pierre Bruneau était parti filmer quelques légendes et se demandait, déjà, si la culture et la musique francophones allaient survivre. Comme il le précisera lui-même, il est heureux que nous posions toujours la question… et que la langue française et ses chansons n'en finissent pas de renaître au milieu des bayous.

Dans American Creole (2006), Glen Pitre, réalisateur louisianais, présente le talentueux banjoïste et guitariste Don Vappie, descendant  d'une famille de musiciens créoles de La Nouvelle-Orléans. Juste après Katrina, pour continuer à travailler, il se pose la question de quitter ou non à la ville. Il ne choisira pas la facilité en y restant. Le montage est sans faute et ce film a été, très justement,  primé. À découvrir pour le musicien et les témoignages.

Avec J'ai été au bal (1989), le festival voulait rendre hommage au grand réalisateur Les Blank . Ce documentaire, coréalisé avec Chris Strachwitz, fondateur du label Arhoolie, est, selon nous, le film à voir et à revoir. Au même titre que le documentaire de Jean-Pierre Bruneau, un film référence sur les musiques cajun et zydeco.

Texte et photos : Christian Esther