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Live reports / 24.03.2025

Nubya Garcia, La Cigale, Paris, 2025

15 février 2025.

Il fait froid à Paris ce samedi soir, mais cela n’enlève rien à l’enthousiasme du public qui attend la saxophoniste Nubya Garcia pour son premier concert parisien depuis la sortie de son album “Odyssey”.

En ouverture, la jeune chanteuse Nina Tonji ne boude pas son plaisir de se produire avant Garcia (qui lui rendra la politesse en la faisant son éloge dans son propre set) et son enthousiasme est communicatif. Accompagnée par le pianiste Alex Monfort, avec qui elle vient de publier un album sous le nom de Monfort, elle revisite les titres clés de son répertoire comme Addiction et J’attendrai, seule excursion francophone, dans un registre de soul contemporaine évidemment nourrie de hip-hop. Et quand elle s’empare d’une guitare pour une reprise en solo d’Al Green, c’est l’ombre de Lauryn Hill en version unplugged qui plane sur la salle… Contrainte par le temps, sa prestation laisse un goût de trop peu, et il faudra évidemment la suivre de près.

Pour sa date parisienne, Nubya Garcia a fait des frais de toilette et son look décontracté habituel fait place pour l’occasion à une élégante robe à paillettes. Pas question cependant que son apparence du jour – elle explique qu’elle s’est même maquillée ! – soit une distraction par rapport à sa musique. Accompagnée d’un trio renouvelé (très sollicités par ailleurs, Daniel Casimir et Joe Armon-Jones laissent la place respectivement à Max Luthert à la contrebasse et Lyle Barton aux claviers aux côtés du fidèle Sam Jones à la batterie), elle s’affirme clairement dès les premiers titres (Dawn et Solstice) comme leader de l’’ensemble, à la fois principale soliste – et quel son au ténor ! – et compositrice de l’ensemble.

Loquace et charismatique, elle profite d’être pour une fois tête d’affiche pour prendre le temps d’expliquer sa démarche mais aussi pour saluer ses collaborateurs comme la chanteuse et productrice Georgia Anne Muldrow, avant d’interpréter en version instrumentale le Walk in gold auquel elle contribuait sur l’album. Elle mentionne également le projet artistique et social Tomorrow’s Warriors, dont sont issus nombre de musiciens de la scène britannique et dont elle explique le rôle crucial qu’il a joué dans sa carrière en lui permettant de rencontrer d’autres artistes « de mon genre et de ma couleur »

Le format resserré par rapport au disque l’oblige à revisiter les arrangements de certains titres, et Clarity, qui reposait sur d’impressionnants arrangements de cordes, est ici très joliment réarrangé en quartet, le saxophone de Garcia se chargeant de la mélodie assurée sur l’original par le violoncelle. La réussite de cette nouvelle version vient d’ailleurs confirmer la force de l’écriture de Garcia. Malgré l’enthousiasme du public, les contraintes horaires de la salle interdisent un rappel en bonne et due forme, mais cela n’empêche pas Nubya Garcia de terminer sa prestation sur un des titres les plus marquants du disque, Triumphance, dont elle porte fièrement, en mode spoken word, les mots (« Your difference is your power / Our differences can be our collective power ») sur une musique dub qui évoque le poète Linton Kwesi Johnson. Dix ans après son irruption sur la scène jazz britannique, elle semble avoir enfin pris sa pleine dimension artistique. Il va être passionnant de la suivre dans ses prochaines aventures…

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Sophie Fenot