;
Live reports / 11.06.2022

Nick Waterhouse, Trabendo, Paris

16 mai 2022.

Nick Waterhouse, Trabendo, Paris

16 mai 2022.

En route pour la salle voisine du Zénith, coup de chaud dans le tramway parisien ce lundi caniculaire de… mai. Quand bien même leur propos musical n’aurait qu’un lointain rapport avec Soul Bag (ça se discute), on aurait bien aimé arriver à temps pour entendre les Ready-Mades et leur rock’n’soul-beat-sixties-yéyé-groovy en préambule du Californien. La régie des transports parisiens nous a mis dedans d’une bonne demi-heure et c’est un Trabendo rempli (et déjà suintant) qui nous accueille en même temps que l’arrivée sur scène de Nick Waterhouse et son orchestre (presque) au complet.

Casting hollywoodien

Deux soufflants à droite (ténor + baryton), une choriste et un pianiste-organiste à gauche. Contrebasse, batterie et bandleader dans l’axe. Les hommes en costards noirs-chemises blanches (sauf le batteur tout en blanc façon Eddie Barclay), les dames en robes des grands soirs. Éclairage cosy façon jazz club, le décor est planté.

Le souci du détail qu’on aime dans la musique de Nick Waterhouse se retrouve jusque dans la scénarisation du show. Millimétré et prétentieux diront certains parce que le gars joue la carte d’une forme d’entertainment jusqu’au bout, cite les villes d’origines des membres du groupe (LA pour la plupart) et débite son accent West Coast comme s’il était chez lui. Pourtant, quand on y réfléchit et qu’on discute après le concert avec quelques connaissances (l’ancien taulier du Jockomo se reconnaîtra), rien de déconnant dans ce bel effet scénographique. Raccord parfait avec le langage musical directement inspiré par les orchestres de rhythm and blues et de soul de la charnière 1950-1960. Le septet qui attaque son set avec Place name, ballade soul écrite dans les règles de l’art, semble en effet tout droit sortie d’une scène de film noir hollywoodien ou d’un bouquin de James Ellroy. So what?

Tempos soyeux et timbres suaves, guitares retenues, contrebasse ronflante, riffs de cuivres souples et vaporeux, les 45 premières minutes du show sont principalement consacrées à “Promenade Blue”, le dernier album de Nick Waterhouse paru en avril 2021. Un rendu impeccable de l’atmosphère évoquée dans cet album qui glisse même parfois du côté d’un jazz cool en mode West Coast à l’image de titres comme Promène bleu et Though and Aat et leurs grooves alanguis.

Ballades et rock ’n’ roll

Si Waterhouse ne sourit jamais, il discute fort heureusement pas mal entre les titres. Pince-sans-rire à la retenue, présence et au jeu de guitare très roy-orbinssonien (les lunettes noires en moins), il a à cœur de présenter ses acolytes dont la doyenne de l’équipe Moist Paula Henderson, sax baryton en travers de sa robe de vamp. Une musicienne avec qui Nick Waterhouse a fait ses premiers pas discographiques et avec qui il tourne depuis dix ans comme il l’explique avec une pointe d’émotion qui finit par transparaître.

Pour une première incartade à ce R&B chaloupé et délicat, place à un titre tiré du premier album (“Time’s All Gone”, 2012) : Is that clear et ses éclats rock garage font vrombir la salle. La version en live s’étend comme il se doit avec chorus de guitare, breaks bien placés et un énorme boulot du sax ténor qui aura son effet sur l’échine du public.

Comme on est toutes et tous déjà dégoulinants, le moment est venu pour “ze tube” quelque temps avant un double retour final. C’est Katchi, titre à l’origine interprété par Leon Bridges en 2016 sur “Never Twice” et dont le piteux remix à 500 millions de vues a fait entrer l’intro doo-wop dans les inconscients collectifs. Si ce genre de recyclage viral peut comme ce soir aider à remplir les salles de concert et faire vivre ces brillants musiciens indépendants de toute major, qu’il en soit donc ainsi. Chacun son lundi au soleil !

Texte : Julien D.
Photos © Patrick Guillemin