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Interviews / 28.04.2021

New Orleans WWOZ, Talking to Dale Gunnoe aka DJ Swamp Boogie

Animateur et DJ chez WWOZ à La Nouvelle-Orléans depuis presque dix ans, Dale Gunnoe, alias DJ Swamp Boogie, est à l’image de cette station de radio, toujours enthousiaste pour partager des pépites blues et soul plus ou moins obscures avec son auditoire, et toujours à l’affût des productions actuelles, surtout quand elles ont cette saveur ancrée dans une certaine tradition musicale. On a parlé avec lui de son parcours, de ses préférences musicales et de ce qui a changé depuis le début de la pandémie dans sa façon de produire et d’animer son émission.

 

(English version below)

Quand et comment avez-vous commencé à être bénévole pour WWOZ ?

J’ai commencé à faire du bénévolat pour la radio en septembre 2013. J’ai vécu à La Nouvelle-Orléans de 1998 à 2003, et j’ai ensuite déménagé, d’abord à New York, puis dans le nord de la Floride jusqu’en 2013 pour m’occuper de ma mère malade. Après son décès, j’ai décidé de revenir vivre à La Nouvelle-Orléans. Quand j’habitais en Floride, à Gainseville, j’ai commencé à faire de la radio via Internet sur Grow Radio. J’ai toujours été un collectionneur de disques, mais quand j’ai commencé à faire de la radio, je me suis vraiment mis à fond dedans. J’avais des amis proches qui étaient toujours DJ à WWOZ quand je suis revenu à La Nouvelle-Orléans en 2013. À ce moment-là, la première chose que j’ai faite, c’est d’organiser un rendez-vous avec l’équipe de programmation de la station. J’avais un enregistrement de mon émission web radio avec moi pour qu’ils se fassent une idée du contenu. Ça leur a plu et ils m’ont immédiatement inscrit dans la liste des remplaçants, je n’avais pas besoin de passer par la phase d’apprentissage, je savais déjà comment me servir de l’équipement. À chaque fois que quelqu’un avait besoin d’être remplacé pour une émission sur le blues, le rhythm and blues ou la musique de La Nouvelle-Orléans, j’intervenais en tant qu’animateur suppléant. J’ai fait ça jusqu’en 2016, je crois, et c’est à ce moment-là que j’ai eu ma propre émission. 

“Je reçois des mails de gens du monde entier qui me disent à quel point ils sont heureux que j’ai joué tel ou tel disque.”

Dale Gunnoe alias DJ Swamp Boogie

Quel était votre objectif quand vous avez démarré cette émission ?

En tant que collectionneur de disques, je me concentre essentiellement sur les artistes afro-américains des années 1950 aux années 1970, et il s’agit principalement de rhythm & blues, jump blues, country blues, de soul et de funk. Cependant, une des choses que je voulais faire avec cette émission, c’était porter l’attention sur les musiciens, et pas seulement ceux de La Nouvelle-Orléans ou de Lousiane, mais aussi d’autres régions du golf du Mexique, et essayer de retracer la carrière d’artistes qui avaient peut-être démarré en Louisiane ou dans le Mississippi, mais qui étaient ensuite montés à Chicago, et qui étaient devenus de plus grandes stars là-bas. En tant que collectionneur de 45-tours, on trouve des artistes qui ont peut-être fait seulement un ou deux disques. C’était éventuellement un succès régional, peut-être qu’il y a eu seulement 500 copies, ces artistes étaient populaires à l’échelle de leur communauté, mais ils étaient inconnus en dehors de La Nouvelle-Orléans, Baton Rouge ou Lafayette. Je trouve un plaisir particulier à découvrir ces artistes, et à pouvoir partager leurs musiques, car désormais, nous avons un auditoire international. Je reçois des mails de gens du monde entier qui me disent à quel point ils sont heureux que j’ai joué un tel ou un tel. Je dois aussi dire qu’il y a plusieurs DJ à la station et ailleurs qui ont eu une certaine influence sur moi. Quand j’ai entendu des gens comme Jivin’ Gene, mon ami British Lou qui faisait une émission sur WWOZ dans les années 1990, elle a quitté La Nouvelle-Orléans après Katrina, et Mr. Fine Wine, quand je vivais à New York.

Comment trouvez-vous l’équilibre entre les titres anciens et les nouveautés ? Il semble qu’il y parfois un artiste contemporain que vous appréciez et que vous souhaitez mettre en avant dans votre show.

Oui, quand je suis à La Nouvelle-Orléans, un de mes objectifs est de mettre en valeur des artistes actuels, et en particulier ceux qui viennent à Nola pour se produire sur scène. La musique live, c’est la culture de la ville. Les disques que je possède sont des artefacts de la culture des années 1950, il y avait une scène musicale très florissante à cette époque, et maintenant nous avons les disques que nous pouvons écouter. Pour continuer à mettre en avant ces artistes live, à chaque fois que je pouvais entrer en contact avec eux, je les invitais dans mon émission pour parler de leur musique, et éventuellement qu’ils puissent jouer à l’antenne. La plupart des artistes que je contactais avaient une connexion avec le rhythm and blues de La Nouvelle-Orléans, de Memphis ou du Hill Country blues du Mississippi. Cedric Burnside jouait souvent à La Nouvelle-Orléans, c’est comme ça que je l’ai rencontré. Mais des gens comme le Reverend John Wilkins, il était de passage en ville, je l’ai rencontré et il est venu dans mon émission. Lui et Cedric faisaient tous les deux quelque chose de nouveau et rafraîchissant, mais dans la tradition de la Hill Country music, même si le Révérend a lien plus profond avec la musique gospel. Cedric m’a toujours affirmé qu’il voulait rester ancré dans la musique Hill Country, il ne veut pas que ça sonne trop moderne. C’est du neuf, mais il y a cet ancrage.

“Être en mesure de rendre les auditeurs heureux à travers ma collection de disques, c’est énorme !”

Dale Gunnoe alias DJ Swamp Boogie

Est-ce que vous avez commencé à enregistrer chez vous au début du confinement en mars dernier ?

Oui, j’étais en voyage, je n’étais pas à La Nouvelle-Orléans. J’avais une boîte de disques avec moi. En général, je prends une caisse de disques avec moi quand je voyage, juste au cas où il y a une opportunité de faire le DJ, donc j’avais peut-être 200 disques avec moi, et heureusement, mon ami chez qui je logeais ici en Floride a toujours sa web radio et l’installation qui va avec. C’est comme un placard. C’est juste une table de mixage, deux platines et un micro. J’ai donc pu utiliser cet équipement, et réaliser mon émission. J’étais donc là au nord de la Floride et j’ai commencé à chercher des disques à nouveau, j’avais beaucoup de temps libre, et j’ai fini par acheter entre 500 et 1000 45-tours ! J’étais en capacité de compléter mon émission parce que je joue en moyenne 60 disques par épisode. Puis, pile au moment où je commençais à manquer de disques, j’ai été en mesure de retourner à La Nouvelle-Orléans. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de quitter la ville pendant un certain temps. J’ai récupéré mes affaires, et je les ai ramenés avec moi ici en Floride. 

Quels sont les avantages et les frustrations quand on enregistre à domicile ? 

L’avantage, c’est que je suis toujours en mesure de produire mon émission, ce qui sur un niveau émotionnel est très important pour moi, je suis toujours en mesure de participer et de représenter La Nouvelle-Orléans d’une façon très positive pendant que beaucoup d’entre nous souffrent, que ça soit économiquement, émotionnellement ou les deux. Ça a été dur pour tout le monde à travers le monde, donc être en mesure de rendre les auditeurs heureux à travers ma collection de disques, c’est énorme ! Je fais toujours partie de la ville, même si je ne vis plus là-bas pour le moment. Ce sont les aspects positifs. Les défis que ça représente ? Le fait que je ne puisse pas me rendre à la radio chaque semaine et faire mon émission en direct. Ça me manque de recevoir des appels. C’est comme une performance quand tu fais une émission de radio. Tu commences et tu finis à un moment précis, et ça ne s’arrête pas. Tu dois le faire, même si tu ne te sens pas en forme. Si tu fais une erreur ou si tu as oublié ton disque préféré, tu dois la faire quand même. Au bout de trois heures, je m’en vais. C’est fini. C’est plaisant. J’ai essayé de faire de cette façon chez moi, mais ça ne se passe pas comme ça. Je me laisse distraire. Je fais une pause parce que j’ai faim. Mentalement, c’est différent. Quand je fais mes annonces, j’essaie d’être aussi enthousiaste que possible pour que ça sonne live. Autrement, je n’efface pas les imprévus, si je fais une erreur quand je dis quelque chose, ou qu’un disque saute, je laisse tel quel, je ne veux pas que ça sonne trop lisse. Le côté fun avec mon émission, c’est que je ne planifie pas trop. J’apporte 300 disques avec moi, alors que je vais en jouer peut-être 60. 

“Le côté fun avec mon émission, c’est que je ne planifie pas trop. J’apporte 300 disques avec moi, alors que je vais en jouer peut-être 60.” 

Dale Gunnoe alias DJ Swamp Boogie

Dave Ankers de WWOZ m’a dit que vous aviez une anecdote à partager à propos du fait d’enregistrer à la maison pendant le confinement …

J’enregistrais mon émission en journée, j’ouvrais la porte et on pouvait entendre les oiseaux. On peut entendre la faune de là où je me trouve, je m’en suis rendu compte avec mon casque sur les oreilles. Ce que j’ai fait pour plusieurs émissions (et je le ferais peut-être à nouveau), au lieu d’utiliser de la musique comme fond sonore quand je parle, j’ai utilisé des enregistrements d’oiseaux et de vent, ce genre de choses. Ça donne une idée de là où je suis, c’est plutôt cool.

Quels sont vos conseils musicaux du moment ?

Bruce Watson du label Fat Possum a créé un nouveau label qui s’appelle Bible & Tire Recordings Co. Il a des nouveaux artistes, The Sensational Barn Brothers et The Zion Harmonizers, qui sont géniaux. Sinon, je suis très emballé par le prochain album de Cedric Burnside qui sortira dans les prochains mois [le 25 juin]. Je vais aller lui rendre visite dans deux semaines, le photographier pour la pochette de l’album. Autrement, quelque chose qui est un peu en dehors ma programmation habituelle, mais j’ai déjà joué leur musique, c’est le groupe Michot’s Melody Maker. C’est Louis Michot des Lost Bayou Ramblers. Le nom de leur nouveau disque est “Cosmic Cajun from Saturn”. C’est un enregistrement live du Saturn Bar [un établissement de La Nouvelle-Orléans], c’est comme de la musique cajun, mais psychédélique, c’est super. J’aime le dernier disque de Don Bryant. Je suis toujours à la recherche du country blues de la Louisiane sur Excello : Lonesome Sundown,  Lazy Lester, Lightnin’ Slim. Je cherche aussi les disques du label Anla, c’est de la musique soul de l’est du Texas et de l’ouest de la Louisiane, ils sont difficiles à trouver. Ah, et j’oubliais : il y a aussi le dernier album du 79rs Gang, ça déchire !  

Propos recueillis par Hugues Marly le 28 octobre 2020.
Photo © Ryan Hodgson-Rigsbee

wwoz.org/programs/rb-with-dj-swamp-boogie
dalegunnoe.com

(English version)

Host and DJ at WWOZ in New Orleans for almost ten years, Dale Gunnoe aka DJ Swamp Boogie is like this radio station, always enthusiastic to share more or less obscure nuggets with his audience, and always on the lookout for current productions, especially when they have this flavor rooted in a certain musical tradition. We talked to him about his background, his musical preferences, and what has changed since the start of the pandemic in the way he produce and host his show.

When and how did you start volunteering for WWOZ?

I started volunteering in September 2013. I lived in New Orleans from 1998 to 2003 and then I moved away, I was in New York city and then North Florida until 2013. I left New York city to come to North Florida to take care of my mom. She passed away, I was living here and I decided to go back to live in New Orleans. While I was living here in Gainseville, I started doing Internet radio on Grow Radio. I have always been a record collector. When I started doing Internet radio I really got into it. I had some close friends who were still DJs at WWOZ when I move back in 2013. First thing I did was set up a meeting with their programming staff. I had my program that I have been doing here to give them to listen to the kind of content that I have been producing for the Internet radio program. They were pleased with what I have been doing so they immediately put me into the substitute roster – I didn’t have to go into any training, I already know how to operate the equipment. They just put me in so every time someone needed to cover a Blues, Rhythm & Blues or New Orleans music show I got to sit in as substitute host and I did that until 2016 I think and then I got my own program. 

“I get e-mails from people all over the world telling me how happy they are that I played so-and-so.”

Dale Gunnoe aka DJ Swamp Boogie

What was your goal when you started your own program ?

As a record collector my focus is primarily African-American artists from the 1950s to the 1970s and that is primarily Rhythm & Blues, Jump Blues, Country Blues, Soul, Funk… But one of the things I wanted to do with my radio program was to focus on musicians not only from New Orleans and Louisiana but from the Gulf Coast and to kind trace the careers of artists that may have started out in Louisiana or Mississippi and then made they way up to Chicago and became bigger stars. As a 45 collector, you find artists that may have made only one or two records. It may have been a hit for them regionally, maybe they only made 500 copies and so they were popular in a sense, in their small community but they were unknown outside of New Orleans or Lafayette or Baton Rouge. I find particular pleasure in discovering those artists and being able to share their music because now we have a worldwide audience. I get e-mails from people all over the world telling me how happy they are that I played so-and-so. I should say that they were several DJs at the station and elsewhere that were pretty influential to inspire me. When I heard people like Jivin’ Gene, my friend British Lou (she did her show on WWOZ in the 90s) she left the city after Katrina, Dj Fine Wine when I was living in New York. 

How do you balance between the oldies and new music? It seems that sometimes you find an artist that you like and you want to give some light on your show ?

Yes, when I’m there that is one of my goals to showcase living artists, especially those who are coming into New Orleans to perform because live music is the culture of New Orleans. The records that I have are artifacts of the culture of the 1950s, there was a very thriving music scene at that time but it was all live music and now we have these records to play. To carry on to showcasing those live artists whenever I could make contact with them I would invite them in my program to talk about their music, to perform sometimes. Most of the artists that I would reach out to have a connection to New Orleans rhythm & blues or to Memphis and North Mississippi Hill Country Blues. Cedric Burnside used to play in New Orleans very regularly and that’s how I met him, but people like Reverend John would come through town and I met him and had him on my program. He and Cedric both were doing something new and fresh but it was based in the tradition of Hill Country Blues music, the Reverend had a deeper thread to Gospel music. Cedric told me that he wants to keep it rooted in Hill Country blues music, not to make it too modern sounding. It’s new but it has that connection.

Did you start to record at home at the beginning of the lockdown in March?

I did, I traveled, I was out of town. I had one box of records with me. I usually take a box when I travel just in case there’s an opportunity for me to DJ so I had maybe 200 records with me. Luckily my friend here in Florida who I was staying with, he still has his Internet radio station and set up. It’s like a closet. It’s just a mixer, two turntables and a microphone. So I was able to use my equipment and produce my program. Here I was in North Florida and so I started to look for records again because I had a lot free time and I ended up buying another 500 to 1000 45’s! I was able to supplement my program because I play 60 records per show so it starts to add up. Then right about the time that I felt I was running out of records to play I was able to go back to New Orleans. That’s when I decided I needed to leave for a certain period of time. I got my belongings and brought them back with me here.

“To be able to provide some joy to the listeners through my record collection, it’s huge!”

Dale Gunnoe aka DJ Swamp Boogie

What are the benefits and the frustrations when you record at home?

The benefit is that I am still able to produce a program that is really important to me on an emotion level, I am still able to participate and represent the city in a really positive way during a time where a lot of us were suffering, either financially or emotionally or both. It’s been very hard for everyone all over the world. So for me to be able to provide some joy to the listeners through my record collection, it’s huge! I’m still part of the city even though I don’t live there at the moment. So for me that’s the positive par of it. 

The challenges are that I don’t get to walk into the radio station every week and just do my show live. I miss getting phone calls. It’s almost like a performance when you’re doing a radio program. You start at a certain time and you end at a certain time and there’s no stopping. You just have to do it. Even if you don’t feel great. If you make a mistake or if you forgot your favorite record, you just have to do it anyway. And then at the end of the three hours I leave. I’m done. It’s fun. At home I’ve been trying to do it that way but that’s not what happens. I get distracted. I take a break because I get hungry. Mentally it’s different.  When I do my announcements, I try to be as enthusiastic as possible so its sounds live. Also if I made a mistake when I said something or if a record skipped, I’ll live it in because I don’t want it to be too polished. Part of the fun of my record show is that I don’t plan it out. I bring 300 record and I might play 60. 

“Part of the fun of my record show is that I don’t plan it out. I bring 300 record and I might play 60.”

Dale Gunnoe aka DJ Swamp Boogie

Dave Ankers from WWOZ told me you had a story to share about recording at home during the lockdown …

I was doing my program during the day, I opened the door and you could hear birds. You can hear wildlife where I am. I’ve noticed that when I had my headphones on. What I did for a few programs  and I might do this again, instead of using music as my background when I’m talking, I used recorded sounds of birds and wind. Things like that. You get an idea of where I am which is kind of cool. 

Do you have any current recommendation whether it is old or new?

Bruce Watson from Fat Possum Records has created a new label called Bible & Tire Recording Co. He has some new artists, The Sensational Barn Brothers and The Zion Harmonizers, they are great. I’m excited about Cedric Burnside’s new record which will be out sometime next year [on June 25th 2021]. I’ll be traveling to photograph him in a couple of weeks for the cover of his new record. That’s cool. Something maybe slightly off-center from my normal programming but I have featured some of this music before, it’s the band called Michot’s Melody Maker. It’s Louis Michot from Lost Bayou Ramblers. The name of the new record is “Cosmic Cajun from Saturn”. It’s a live recording from the Saturn Bar [In New Orleans]. It’s really like psychedelic Cajun music. It’s great, it’s cool stuff. I like Don Bryant’s last record. I’m always looking for the Louisiana Country Blues on Excello records. Lonesome Sundown, Lazy Lester, Lightnin’ Slim. I look for Anla Records, it’s East Texas and West Louisiana soul music. They are hard to find. There’s another one: 79rs Gang, that’s badass! 

Interview conducted by Hugues Marly on October 28th 2021.

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