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Live reports / 23.10.2017

Natalia M. King

Natalia M. King, reine d'un soir. C'est armée d'un français impeccable, noué dans un petit accent charmant trahissant ses origines américaines, que la chanteuse et guitariste a conquis et rempli – plus que prévu – l'Automne Club de Toulouse, en plein cœur du festival Jazz sur son 31. Le concert avait beau être programmé assez tôt, à 18h30, plus une chaise ou une banquette velours de disponibles pour asseoir ses dernières certitudes. Généreuse, gorgée d'énergie malgré un petit rhume qu'elle confie avoir soigné grâce aux huiles essentielles, Natalia M. King a déployé avec un talent rare une palette musicale qui a surpris plus d'un spectateur. Comme ce jeune couple qui aura mouillé ses yeux devant la chaleur émanant de la scène, délaissant sur son coin de table un demi peut-être un peu trop tiède ce soir-là.

 

 

Issue de la scène rock, celle qui lui a permis plus jeune de « cracher son venin », comme elle le confie au micro dans l'un de ses nombreux interludes, c'est vers le blues, le jazz que la native de Brooklyn chuchote désormais de sa voix sûre et vibrante, gravée l'an passé sur le très maîtrisé “Bluezzin T'il Dawn”. C'est d'ailleurs par son dernier album qu'elle décide d'ouvrir son impeccable set, avec le cuivré Paint it black & blue, enchaîné cœur battant par les pulsations de You don't know what love is". Là encore, d'une toute autre dimension dès que les notes délaissent les studios pour envahir la scène. C'est puissant, habité. D'un charme concret. Sans peur et visiblement en confiance, Natalia M. King interpelle à plusieurs reprises la foule, jusqu'ici très sage, l'invitant même à danser. « Dont be afraid ! » Difficile d'être plus direct. Quelques déhanchés en fond de salle. Pas davantage.

 

 

 

Le temps défile, presque muselé face à l'exigence d'une première partie qui ne doit pas déborder sur la seconde. Le rythme s'accélère (Ring ring dingaling) puis s'offre un souffle de répit quand l'amour rode. Don't explain de Billy Holiday s'invite alors. Un saxophone qui sort du cadre pour manger l'espace, un solo de batterie efficace et sans effet inutile, une sirène de pompier qui résonne au loin, dans le bruit de la ville, preuve que l'urgence du swing répond souvent au lâcher-prise. Et c'est sans mélancolie que Natalia M. King, esclave jadis de ses sentiments, avoue avoir changé. « J'ai 48 ans aujourd'hui, il était temps que je m'aime. » Le temps de s'emparer aussi d'un autre classique, I put a spell on you, suivi dès la première mesure par la claque d'un public attentif au moment. Il faudra bien une dernière reprise, de Ray Charles cette fois, un Night & day* jouant de contraste, pour rappeler quelques évidences. Qu'au jour succède la nuit. Qui avait soudain oublié de tomber.

Mathieu Bellisario
Photos © Sébastien Souris-Thibert

*Alias (Night time is) The right time, écrite et initialement enregistrée par Nappy Brown.

Line-up : Natalia M. King (chant, guitare), Fred Nardin (piano), César Poirier (sax ténor, clarinette), Anders Ulrich (basse), Simon Bernier (batterie).