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Live reports / 08.02.2018

Nantes in Blues

Mois après mois, Nantes et les environs proposent toujours autant de concerts, le plus difficile étant de gérer l’abondance. Entre les dates qui se chevauchent et la fatigue occasionnelle, il faut faire des choix !

Le 9 décembre 2017, les Swinging Dice sont de retour au Zygo Bar. Découverte pour certains, confirmation pour d’autres, c’est un groupe qui apparaît plus puissant à chaque sortie, maîtrisant ses reprises, Floyd Dixon, Johnny Otis, Chuck Berry, Lionel Hampton, mais aussi Arthur Smith, Al Dexter, et ses originaux dont on retrouve avec plaisir les mélodies. Pierre Matifat, chant et piano, est un vrai leader, qui tient sa place et entraîne le groupe avec lui, avec la fougue de Fabien Lippens à la guitare – son interprétation de Guitar boogie est toujours juteuse – et au chant sur Pistol packing Mama, celle de Matthieu Duretz à la contrebasse et à la basse électrique, en particulier sur la nouveauté d’un rock chanté par lui en français, et le beat impeccable de Dann-Charles Deneux à la batterie. En fin de concert, Thomas Allain (Jakez & the Jakes) est invité au chant et à l’harmonica, avant un final festif sur Liza Jane. Un nouveau disque est annoncé pour mars 2018.

On retrouve Thomas Allain le 14 décembre au Buck Mulligan’s pour le concert de Jakez & the Jacks. Jakez Rolland, chant et guitare, Thomas Allain, guitare et harmonica, Julien Dubois, basse et désormais David Avrit à la batterie, connaissent leur blues électrique, invitant Junior Wells, Buster Benton, B.B. King, Albert King à partager la soirée avec nous mais introduisant aussi plusieurs compositions de bonne facture. Le chant et le jeu de guitare de Jakez sont marqués par la tension westside et fournissent le point central autour duquel tournent les excellents compléments de Thomas à la guitare et à l’harmonica et de la section rythmique de Julien et David. Cela donne un concert varié qu’on a plaisir à vivre régulièrement.

 


Jakez & the Jacks

 

Déplacement à Saint-Marc-sur-Mer le 15 décembre pour le concert du Alexis Evans Trio au Café Le Centre. L’énergie de ce trio est à chaque fois impressionnante. Alexis a petit à petit créé un univers où soul, blues, r&b, rock, se mélangent sans incongruité, où les reprises de Robert Parker, Otis Rush, O.V. Wright, Brook Benton, Wilson Pickett, les Equals, Irma Thomas, et les originaux font partie d’un tout homogène, solide, généreux, et surtout très communicatif, car le public danse et chante au moins autant que le groupe. En trio, le chant et le jeu de guitare d’Alexis, faits de phrases courtes, précises, percutantes, est encore plus sur le devant de la scène, premier ingrédient du rythme que Olivier Pérez à la basse et Eric Boréave à la batterie soutiennent impeccablement. On en sort à une heure avancée de la nuit, heureux d’avoir vécu ça et du coup enclin à aller saluer aimablement la statue de Monsieur Hulot au bord de la plage.

 


Alexis Evans

 

2017 se clôt avec les Pathfinders au Nid, au sommet de la Tour Bretagne. Notre rock-and-soul band favori continue de peaufiner son nouveau répertoire qui prend peu à peu le pas sur les reprises sans que celles-ci soient oubliés, avec des emprunts à Percy Mayfield, Slim Harpo, Muddy Waters ou Ike & Tina Turner. LilOu Hornecker est toujours autant remplie d’énergie et se positionne comme une des voix importantes de la scène française, Max Genouel est de plus en plus impressionnant à la guitare, tandis que la paire Igor Pichon-Hugo Deviers swingue solidement à la rythmique. Une valeur sûre qui a déjà fixé des dates en 2018 et c’est tant mieux.

 


The Pathfinders

 

2018 démarre fort avec des semaines tout de suite très remplies. La phase de repos après les fêtes nous amène au 18 janvier avec le concert Nueva Onda au Ferrailleur qui rassemble Arnaud Frandin & His Roots Combo et Delgrès, nous en parlons par ailleurs.

Le lendemain, les Lazy Buddies nous attirent au Café Le Centre à Saint-Marc-sur-Mer. Leur nouveau disque est excellent et leur sert de confortable et entraînant appui pour un concert en deux parties, au cours desquelles la chaleur de l’ambiance va crescendo. Soizig Lebreton est une sympathique fée chantante, enjouée, communicative, bien soutenue par Dom Genouel à l’harmonica, Guillaume Rousseau et Nico Fleurance aux guitares, Max Genouel à la contrebasse et David Avrit à la batterie. Si la base jump et r&b du groupe est bien là, avec de plus en plus de compositions originales, le blues prend une part très intéressante d’autant qu’ils le jouent très bien. Tout commence avec Time to party, le hit de leur nouveau CD. C’est donc parti pour une “party” qui amènera tout le public à danser, taper dans ses mains et chanter. À la guitare, Guillaume Rousseau est le pan r&b et jump alors que Nico Fleurance apporte des riffs millésimés évoquant T-Bone Walker, Chuck Berry et d’autres encore. Dom est efficace à l’harmonica et Max et David swinguent joliment à la rythmique. Les reprises viennent de Etta James, Bobby Blue Bland, Lazy Lester et consorts. Soizig s’efface deux fois pour des instrumentaux endiablés avec de gentils duels entre les guitares et l’harmonica. Ces gens connaissent leur affaire et on en profite pleinement.

 


Lazy Buddies

 

Samedi 20 janvier, les Bar Room Preachers sont au Brocéliande. Daniel Maerten (vo, g, hca), Nicolas Deshayes (g), Arnaud Gobin (b) et Jérôme Boisneau (dm) pratiquent un blues contemporain puisé chez Jimmie Vaughan, Keb’ Mo’, Charlie Musselwhite, Joe Louis Walker, Robert Cray, Kim Wilson, Eric Bibb, qu’ils ancrent dans la tradition via Freddie King, Sonny Boy Williamson ou Billy Boy Arnold, tout en s’autorisant des incursions chez Al Green ou Van Morrison. On apprécie leur jeu sans exagération, leur beau son, et la nouveauté de leurs compositions originales qu’ils habitent avec une passion visible. If you lose, par exemple, a un joli swing, bien servi par la rythmique et l’harmonica chromatique. Le saxophone alto de leur invité Vianney Paviot apporte une belle couleur avec de beaux solos sur deux titres.

 


The Bar Room Preachers

 

Le jeudi 25, on change encore d’endroit pour aller au Rouge Mécanique qui accueille Chessmud, un groupe de pointures rassemblant Marco Cinelli (vo, g), Damien Cornélis (kbd), Igor Pichon (b) et Hugo Deviers (dm). Le répertoire ressemble beaucoup à celui des Cinelli Brothers, avec quelques reprises du disque “Baby Please Set Your Alarm”, mais il s’élargit de la même façon avec une ouverture empruntée à T-Bone Walker, Papa ain’t salty, et quelques joyaux repris à Al Green, Let’s stay together, ou Johnny Guitar Watson, Ain’t that a bitch ou Arthur Crudup, Mean ole Frisco. À la guitare comme au chant, Marco Cinelli est à l’aise et déborde de talent, mais reste du bon côté de la force, suggérant l’excès sans jamais y tomber. Damien Cornélis est toujours aussi confondant d’humilité, Hugo Deviers est dans une forme olympique et Igor Pichon semble veiller sur ce petit monde, passant les messages aux uns et aux autres pour garder sa cohérence à une belle petite machine de scène. En fin de concert, Laurence Le Baccon est invitée au chant sur Travelling girl.

Le lendemain vendredi, on s’installe au Zygo Bar pour deux jours. Ça commence avec Max & the Freaky Buds : Max Genouel (vo, g), Thomas Troussier (hca), Miguel Hamoum (b) et Hugo Deviers (dm). Max positionne résolument ce nouveau projet dans le blues downhome, passant des reprises de Billy Boy Arnold, John Lee Hooker, Little Walter, Junior Parker, RL Burnside, Red Devils, Hound Dog Taylor, Big George Jackson ou Smiley Lewis, dans une moulinette boogie blues remplie de tension-détente, qu’il se charge d’entretenir avec sa guitare, tout en laissant une bonne place à l’harmonica de Thomas Troussier. Miguel Hamoum a rejoint le groupe à la dernière minute mais ne semble pas plus impressionné que ça, placé près de Hugo Deviers qui a la même énergie que la veille. D’autres dates sont prévues en février et c’est autant de rendez-vous à prendre.

 


Max & the Freaky Buds

 

Le mois de janvier se termine le samedi, toujours au Zygo Bar, avec The Deluxe Presidents. La gouaille de Fred Le Baron (qui prétend s’appeler Charles Ingalls puis Jean-Claude Van Damme) vaut déjà le déplacement à elle toute seule. Quand on y ajoute son talent au chant et à la guitare, celui de Sami Touré sur le même instrument, de l’ubiquiste Thomas Troussier à l’harmonica et de la paire Julien Dubois (b) et Olivier Sueur (dm), on est certain de passer une bonne soirée. Cela va être le cas avec un concert en deux sets généreux, tout en reprises issues d’un large spectre, de John Brim à Magic Sam, en passant par Little Walter, Muddy Waters, Buddy Guy, Billy Boy Arnold, Jimmy McCracklin, mais aussi Arthur Alexander, Paul DeLay et d’autres encore. En soutien à leur ancien bassiste Vinny Stringbreakers, ils se lancent dans A man and the blues avec une belle introduction de Sami puis des solos intenses de Fred et Thomas. Le premier set est conclu sur Sunburn de George Smith. Dans la deuxième partie, il y aura d’autres temps forts comme cette reprise de Rich man’s woman avec un solo stratosphérique de Thomas, qui part dans les aigus non amplifiés avant de revenir à l’amplifié dans des notes plus basses, ponctuées de cris dans l’harmonica à la façon de Carey Bell. Laurence Le Baccon prend le micro pour deux titres, une bonne reprise de Hound dog et une de He’s the one, avant que le groupe conclue magistralement par deux titres rock and roll, au cours desquels Sami Touré, faisant fi de la retenue qui est normalement la sienne, va jouer dans le public. 

 


The Deluxe Presidents

 

Un très beau mois de janvier donc, sachant qu’il y a eu aussi des concerts de Jakez & the Jacks, des Cactus Candies, de Daisy Temple, des Jailbirds, autant de groupes à aller voir dans les prochains mois.

Texte et photos : Christophe Mourot