Ludovic Louis, La Maroquinerie, Paris, 2024
15.10.2024
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Nancy, 8 octobre 2021.
Une traversée nocturne à l’aveugle du joli parc de la pépinière et nous voilà arrivés au pied de José James et ses musiciens au moment pile ou le New-Yorkais d’adoption attrape le micro et enfile sa Gretsch scintillante. C’est avec ce timing au cordeau que démarre notre première soirée au festival Nancy Jazz Pulsations. (Tant pis pour le pianiste malien de jazz Cheikh Tidiane Seck qui ouvrait la soirée, on se rattrapera une autre fois.)
Décontractés, c’est le premier qualificatif qui vient à l’esprit. En remplaçant l’un de ses concitoyens (Cory Wong de Vulfpeck qui a annulé sa tournée), José James a été convié sur le tard et s’est faufilé jusqu’à Nancy dans un calendrier déjà bien rempli qui l’emmènera à parcourir une bonne partie de l’Europe jusqu’à la fin novembre.
Est-ce pour cela que ce mode laidback semble de rigueur dès le début du show ? Pas de tenues de scène particulière, la casquette des New York Yankees semble avoir définitivement disparu. C’est plutôt une attitude un brin rock ’n’ roll que José James arbore, le cheveu fou et les lunettes noires sont de sortie. Un line-up resserré à un batteur (le fidèle Richard Spaven), un bassiste et un clavier qui passera d’ailleurs beaucoup plus de temps au Fender Rhodes qu’au piano à queue mis à sa disposition (pour notre grand plaisir et une optimisation totale du groove).
Durant une première partie très mellow soul, James chante avec ce spectre finalement assez large qui l’emmène sur une route entre le crooner magnifique que pouvait être Bill Withers (dont il est indubitablement grand adorateur) et un truc plus enlevé dans sa forme en termes de compositions. José James dont la musique sur scène penche souvent du côté jazz funk se fendra de seulement deux titres (dont le fameux Come to my door, de quoi se mettre en jambe) avant d’inviter son épouse Taali, chanteuse et cofondatrice avec lui du label Rainbow Blonde. Deux chansons ensemble — sans fausses notes, mais sans éclats non plus — et le public deviens soudainement un peu plus bruyant aux premiers échos du tube millésimé ’80s de Withers. Just the two of us résonne, sans le solo mythique de Groover Washington Jr., même si place et espace sont laissés aux musiciens.
La deuxième partie du set se fera plus énergique et uptempo. Du funk qu’un jazz électrique déconstruit magnifiquement pour là aussi laisser la part belle aux instrumentistes. Solo de basse sur cinq cordes, aplats groovy de Rhodes et ce Richard Spaven aux baguettes qui une fois lancé ne s’arrête plus. On fera le même constat pour James lui même dans une version interminable (et époustouflante, quel souffle !) d’un de ses premiers succès, la relecture du Park bench people de Freestyle Fellowhip, soit une géniale adaptation soul slam hip-hop du Red clay de Freddy Hubbard. Un truc qui inévitablement relate sa première venue au festival sur la petite scène il y a plus de dix ans, une époque ou le natif de Minneapolis n’avait pas encore signé chez Blue Note, mais que les programmateurs nancéiens avaient déjà dans leurs viseurs. Une grosse heure plus tard, José salue la foule : place au cador des Balkans Goran Bregovic, le “gros dossier” du soir qui ne concerne en revanche pas vraiment Soul Bag, même de loin. (C’était très bien quand même.)
Texte : Julien D.
Photos : Wilfried-Antoine Desveaux