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Chroniques / 27.05.2021

Mustafa, When Smoke Rises

Chanter les disparus. Transformer le désarroi en lumière pour continuer d’avancer. Sans oublier. À 24 ans, Mustafa Ahmed a vu de trop nombreux amis de sa cité de Regent Parks à Toronto tomber sous les balles. Les mots en bandoulière, il s’est fait poète pour témoigner et s’élever, guidé aussi par la sagesse d’un islam hérité de ses parents soudanais.

Ce premier album baptisé en l’honneur d’un talent assassiné, le rappeur Smoke Dawg qui apparaît au premier plan sur la pochette, voit Mustafa se réinventer chanteur en prenant le contrepied de la haine. Il trouve d’emblée un son à lui, d’une douceur et d’une limpidité désarmantes. Un timbre qui serre le cœur au fil des mots caressés à fleur de peau.

Avançant sur la brèche de la mélancolie dans un décor épuré à base de guitare sèche parsemée de fines textures electro et acoustiques (les producteurs Frank Dukes et Simon on the Moon en sont les principaux couturiers) qui se passent presque toujours de rythmique, on se demande d’abord si Mustafa va sombrer, pour se rendre compte à quel point il irradie en apesanteur.

À la manière d’un Sampha ou d’un James Blake… tous deux présents ! Le premier pour un duo au sommet du Mont Falsetto (Capo), le second pour une conclusion somptueuse, ponctuée par un piano qui souligne la profondeur de l’émotion ressentie. « Please come back / At least in my dreams », chante Mustafa de sa voix qui aime aussi glisser dans les graves. À l’autre extrémité de ce huit-titres captivant, le Torontois intimait un majestueux « stay alive » à ceux qu’il aime. Sa manière de transcender la douleur est une bénédiction inestimable. 

Nicolas Teurnier

Note : ★★★★½
Label : Regent Park Songs
Sortie : 28 mai 2021

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