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Brèves / 11.01.2013

Montreux pleure Claude Nobs

En fondant en 1967 le festival de jazz de Montreux (Suisse), Claude Nobs n’imaginait sans doute pas qu’il prendrait ensuite place parmi les plus prestigieux événements du genre à l’échelle planétaire. Nobs est donc mort hier 10 janvier 2013 à l’hôpital de Lausanne, des suites d’une chute à ski de fond survenue le 24 décembre à Caux-sur-Montreux. Dans un premier temps, rien ne laissait présager une issue fatale car le Suisse est rentré chez lui par ses propres moyens. Mais, pris de malaise quelques heures plus tard, hospitalisé et opéré en urgence, il est finalement tombé dans le coma avant de s’éteindre. Il avait 76 ans.


En 1978. © : Brian McMillen.

Né le 14 février 1936 à Territet dans le canton de Vaud, il semble s’intéresser très jeune (certainement avant ses six ans) au jazz via les disques de son père qui tient une boulangerie. Claude Nobs s’oriente d’ailleurs d’abord vers la cuisine, un domaine dans lequel cet épicurien excellera  toujours, et qui lui vaudra une belle réputation auprès de tous ceux qui ont profité de ses talents culinaires… Mais la musique l’obsède de plus en plus. Ses études achevées, il trouve un petit job de comptable à l’office de tourisme de Montreux, ce qui lui vaut de participer à l’organisation de manifestations culturelles, dont évidemment des concerts (il fait même venir les Rolling Stones en 1964 en Suisse, une première !). Tout va ensuite se précipiter. En 1965, Nobs débarque aux États-Unis, précisément à New York chez Atlantic, où il convainc alors qu’il ne les connaît pas les frères Ertegun de le soutenir dans son projet de création d’un festival de jazz à Montreux. Il se rend également à Chicago, où Willie Dixon lui sert de guide (et de compagnon de beuverie…) pour aller écouter des artistes comme Muddy Waters et Howlin’ Wolf.


À l’harmonica en 1988, entre Steve Cropper et Matt « Guitar » Murphy. © : Keystone/Fabrice Coffrini.

Son rêve se concrétise en 1967 avec la première édition du festival de Montreux, qui attire 1 200 personnes sur les trois jours. Le festival, qui dure aujourd’hui deux semaines, occupe vite une place centrale et le rôle de Nobs est fondamental dans le choix des artistes, avec lequels il entretient souvent des relations amicales et privilégiées, comme avec Nina Simone (voir notre numéro 209 actuellement en kiosque), qu’il aide pour des travaux domestiques lors de son « exil » suisse… Il saura également le faire évoluer sans trahir sa vocation première (les musiques afro-américaines avec le jazz en tête, mais aussi le blues, la soul, le gospel…), l’ouvrant à une pop à laquelle il s’était par ailleurs intéressé très tôt. On n’oubliera pas non plus son impayable accent traînant vaudois quand il présentait les musiciens… Nobs se sera donc occupé de toutes les éditions de son festival, tout en préparant la relève depuis quelques années en confiant plus de responsabilités à son associé et secrétaire général Matthieu Jaton. En travaillant sur la prochaine édition (du 5 au 20 juillet), ce dernier peut désormais essayer d’apprendre à mesurer le vide laissé par Claude Nobs.
Daniel Léon