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Live reports / 21.11.2024

Monster Mike Welch + Nico Wayne Toussaint, L’Odéon, Tremblay, 2024

9 novembre 2024.

Auréolé du succès critique de son dernier album, “Nothing But Time”, Monster Mike Welch s’est associé aux deux formidables agences de booking Soul Shot (dirigée par Fabrice Bessouat – qui nous confia préparer d’alléchantes tournées en 2025 avec Little George Sueref, Sean McDonald, Saron Crenshaw, Curtis Salgado et Kid Ramos !) et Lowtone Music (pilotée par Erkan Özdemir) pour une tournée de trois semaines en Europe, dont deux dates en France. 

Les fans franciliens ont répondu présents, l’Odéon affichant complet plusieurs jours avant le concert du 9 novembre. Conditions d’écoute et de visibilité optimales (on a l’impression d’être sur scène avec les musiciens), accueil chaleureux, after-show convivial : tout était réuni pour une soirée mémorable, à commencer par la première partie, assurée par Nico Wayne Toussaint. Le Toulonnais délivra un set solo d’une heure où il usa de ses talents de conteur (son rapport passionnel avec le blues, sa quête initiatique sur les routes américaines, ses rencontres, anecdotes et apartés philosophiques), d’artiste (plusieurs extraits de ses disques passés, dont “Burning Light”) de guitariste (à l’électrique, au dobro ; une activité encore récente pour lui), de chanteur et bien sûr d’harmoniciste, en acoustique ou au filtre d’une saturation à lampes. Un beau voyage émaillé de standards (Forty four, version Howlin’ Wolf) ou de reprises plus contemporaines (A house is a home de Ben Harper), légitimement sanctionné d’un rappel et d’applaudissements nourris de la part du public.

Après un bref entracte, Mike Welch prit la suite sur les chapeaux de roue. Brillamment accompagné par Fabrice Bessouat à la batterie, Erkan Özdemir à la basse (ancien membre de Memo Gonzales & The Bluescasters) et Brooks Milgate aux claviers (qui fait partie du groupe de Chris O’Leary – on le retrouve notamment sur son dernier CD Alligator, “The Hard Line”), le Bostonien mit d’emblée tout le monde d’accord : chant puissant et déclamatoire en filiation directe avec l’école West Side, présence et épaisseur scéniques et, surtout, un jeu de guitare puissant et plein d’émotions où la moindre note compte.

Pas d’esbroufe ni de virtuosité gratuite, mais une intensité remarquable, s’appuyant sur un sound plein et vigoureux, une saturation à la fois crémeuse et piquante, une attaque main droite franche (il rentre dans ses cordes comme un boxeur distribue ses coups), un vibrato main gauche ultra-ample et expressif (l’un de ses signes distinctifs) et de subtiles variations tonales gérées au sélecteur de micros ou aux potentiomètres de volume et de tonalité (il conserva durant tout le show sa Telecaster fabriquée à partir de pièces détachées d’origines diverses). 

Le dernier album est abondamment cité (l’exceptionnel Walking to you baby, première plage du disque, également positionnée en ouverture de set ; le brûlant soul blues Nothin’ but time et ses piqûres de guitare ; I me mine, empruntée à George Harrison ; Time to move, émouvant titre qu’il écrivit à la fin de la dépression qu’il subit suite au décès tragique de son collègue et ami Mike Ledbetter), entrecoupé de quelques grands classiques (The stumble de Freddie King, Everything’s gonna turn out alright d’Otis Rush, Kindhearted woman de Robert Johnson, en rappel). L’accompagnement rythmique, souple, en empathie constante avec le leader, est impeccable et les chorus de Brooks Milgate (orgue, piano) fournissent de délicieux contrepoints aux solos tempétueux de Welch.

Le petit prince du blues a bien grandi depuis ses débuts à 13 ans dans les clubs de Cambridge, Massachussets. La vie est passée, et avec elle son lot de joies, mais aussi d’épreuves, de tragédies, de milliers de concerts, de voyages et de chambres d’hôtel anonymes. Une existence de bluesman qui, loin d’avoir éteint le feu qui court dans ses doigts, confère à Mike « They call me Monster but I’m fine with it » Welch l’autorité d’un chef de file.

Texte : Ulrick Parfum
Photos © J-M Rock’n’Blues
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