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Chroniques / 13.03.2020

Monophonics, It’s Only Us

Mélancolique, torturée, dominée par les harmonies mineures et les grooves âpres d’un rare funk dévié de son lit épicurien, s’aventurant dans les eaux fangeuses d’un psychédélisme vénéneux, la soul des Monophonics n’entretient que peu de rapports avec l’urbanité policée des disques Motown, la virilité de Stax ou la décontraction orchestrale du Philadelphia Sound.

Malgré son cousinage avec les productions du début des années 1970 (traitement analogique, claviers électriques, rythmiques wah-wah, basse replète, ronflements de cuivres), cette musique n’aurait pas pu être composée à une autre époque que la nôtre. Elle porte en elle tous les stigmates des années 2020, leur pessimisme, leur violence et leur nostalgie pour un âge d’or révolu, mythifié. Les titres des morceaux traduisent toute la noirceur du propos : Suffocating, Run for your life, Tunnel vision

Les Californiens transcendent ce mal-être existentiel grâce à leur grande finesse d’écriture, leur science des arrangements (cf. les sept minutes époustouflantes de Last one standing, sommet du recueil), la cohérence de leurs choix esthétiques, quitte à frôler l’austérité (uniformité de tempos lents et moyens, surabondance de reverb, section rythmique mixée très en arrière), et leur grande créativité instrumentale (flûte, harpe, violons, tablas…).

Surplombant l’ensemble, le magicien Kelly Finnigan délivre des vocaux en voix de tête enchâssés de chœurs éthérés. Cette soul baroque et luxuriante, douloureuse à force d’explorer les tréfonds de l’âme humaine, possède l’attractivité des diamants noirs. Elle requiert d’avoir le cœur bien accroché, mais une fois que l’on a succombé à ses charmes, on s’étonne d’y revenir sans cesse.

Ulrick Parfum

Note : ★★★★
Label : Colemine
Sortie : 13 mars 2020

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