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Live reports / 14.08.2009

MNOP (Musiques Nouvelle-Orleans A Perigueux)


Joe Krown © Alain Jacquet

C’est sur Decatur Street, à New Orleans, que Stéphane Colin a entendu Randy "19th Street" Red pour la première fois. Convaincu par son talent, il n’a pas hésité à l’inviter à Périgueux pour faire quelques dates "décentralisées" en Dordogne mais aussi l’ouverture de la 9e édition de MNOP. Sûr que le bonhomme a su se forger une solide personnalité à partir d’éléments puisés chez Jimmy Reed, Lightnin’ Slim et Hopkins, mais en privilégiant ses compositions aux reprises. Bien accompagné par les régionaux de Talk That Talk (Hervé Fernandez, g ; Julien Dubois, b ; Philippe Eliez, dm), on peut lui reprocher de se l’être joué un peu trop perso, ne concédant un solo (étincellant) à Fernandez qu’en fin de set.
Pas de problème d’ego en revanche entre le trio de Thierry Ollé (au piano avec Serge Oustiakine, b, et Guillaume Nouaux, dm) et leur invité de luxe, le trompettiste Wendell Brunious. Ici la musique se partage et les thèmes abordés témoignent de l’unité musicale néo-orléanaise en empruntant à Fats Domino, Louis Armstrong, Jelly Roll Morton et Pr. Longhair. Au chant comme à la trompette, Brunious distille cette décontraction toute louisianaise, mais ses compagnons d’un soir avaient tout pour le stimuler.


Randy "19th Street" Red © Alain Jacquet


Wendell Brunious © Alain Jacquet

Après son problème de santé de l’an dernier (cf. SB 192), Walter "Wolfman" Washington s’était juré de revenir à Périgueux. En écho à son dernier album, la formule du trio guitare-orgue-drums avait l’avantage non négligeable de donner à entendre longuement les trois protagonistes. A commencer par Wolfman dont le jeu de guitare, délié, véloce et d’une sûreté incroyable était superbement mis en valeur, tout comme son chant perceptible dans toutes ses nuances (ce qui n’est pas toujours le cas en orchestre). Attentif et attentionné, répondant à toutes les sollicitations, Joe Krown a fait ronfler son orgue Hammond, véritable poumon du trio. Doug Belote fit presque oublier l’absence de Russell Batiste aux drums avec un jeu puissant, complexe et stimulant. Impressionnants individuellement, les trois compères étaient au moins aussi admirables dans la précision d’exécution d’arrangements tirés au cordeau. Funk, blues et jazz ont nourri la prestation haut de gamme de ce "dream trio" rejoint par un Wendell Brunious très à l’aise dans ce cadre apparemment plus "moderne".


Walter "Wolfman" Washington © Alain Jacquet


Joe Krown © Alain Jacquet

Les après-midi du logis Saint-Front (dans une belle cour Renaissance du vieux Périgueux) sont prisés des amateurs pour l’occasion qu’ils donnent d’entendre les artistes dans un contexte acoustique souvent inhabituel. Le 15 août, Joe Krown et Walter Washington se sont pliés à l’exercice. J’ai toutefois regretté que le chanteur-guitariste prenne trop le pas sur le pianiste qui aurait dû trouver là l’occasion de se mettre en avant (plusieurs CD témoignent de ses qualités pianistiques).


Walter "Wolfman" Washington & Joe Krown © Alain Jacquet

Le concert du soir était ouvert par Rossano Sportiello, surdoué du piano, capable d’improviser durant 50 minutes sans jamais perdre de vue le thème ou sacrifier le swing. Il invita aussi Wendell Brunious à le rejoindre pour un bel échange. Si Don Vapie avait constitué l’an dernier le fil rouge de MNOP, nul doute que Wendel Brunious a repris le flambeau cette année : il était encore l’invité des New Orleans Z’hulus du batteur Morre van Eyck. Ce dernier ne fit d’ailleurs qu’une brève apparition, cloué dans un fauteuil roulant par une méchante sciatique. Guillaume Nouaux assura l’intérim avec sa classe et sa technique habituelles, poussant les différents solistes, notamment Boss Quéraud (cl), Pierre Jean (p), Guy Bonne (ts) et le toujours classieux Wendell Brunious (tp) dans un répertoire de jazz new orleans érudit.
Sherman Robertson a joué avec Clifton Chenier et Terrence Siemen. Stéphane Colin rêvait donc de lui adjoindre à nouveau un accordéoniste zydeco. Le band de tournée n’en incluant pas, le manager a tout de même dégotté pour le seul concert périgourdin un accordéoniste anglais. Ce dernier a pu donner le change sur deux morceaux (dont My toot toot), mais, visiblement, ses racines ne plongeaient pas dans les bayous. Pas de quoi gâcher notre plaisir pour autant, tant Sherman Robertson focalisait l’attention. J’avais oublié qu’il était aussi bon chanteur, pas très puissant, mais extrêmement prenant dans une veine gospel-soul tout en nuances. A la guitare aussi il semblait avoir gagné en finesse, notamment dans le mode jazz.


Sherman Robertson © Alain Jacquet

Sherman Robertson concluait de belle manière un festival réussi en tous points (programmation, ambiance, tarifs…) et qui ne connaît pas la crise (fréquentation en augmentation). Toutefois, le MC jeta un froid lorsqu’il fixa le rendez-vous de l’an prochain pour la 10e et dernière édition de MNOP ! Il semble que l’équipe organisatrice, lassée par le manque d’intérêt et de considération de la part des édiles locaux, ne se sente pas motivée pour prolonger l’expérience au-delà de dix ans.
Ce serait d’autant plus navrant qu’il reste tant de musiciens louisianais, aussi formidables que méconnus, à voir ? A voir et à zentendre !
Jacques Périn