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Hommages / 22.01.2019

Mike Ledbetter, 1985-2019

On s’attendait à tout sauf à ça. La nouvelle a vraiment fait l’effet d’un méchant coup de massue : Mike Ledbetter est mort hier, lundi 21 janvier 2019, à seulement 33 ans. Selon les témoignages qui nous sont parvenus à l’heure où j’écris ces lignes (Fabrice Bessouat, qui le faisait tourner en Europe, et bien entendu Nick Moss et Monster Mike Welch, ses amis musiciens), il aurait succombé à une succession de crises d’épilepsie. Ledbetter, qui s’était révélé à Chicago au sein du groupe de Nick Moss et travaillait depuis deux ans avec Mike Welch, faisait assurément partie des meilleurs vocalistes de sa génération dans un registre soul blues. C’était également un guitariste accompli, excellent en rythmique mais également capable de prendre des solos expressifs.

 


Chicago, 2011. © Brigitte Charvolin

 

Mike Ledbetter, qui aurait un très lointain rapport de parenté avec Huddie Ledbetter alias Lead Belly, est né en 1985 à Elgin, environ 65 kilomètres au nord-ouest de Chicago. Avant de devenir la figure du Chicago blues que l’on connaît, son parcours a emprunté bien des méandres, car il vient en effet d’une famille musicale aux influences diverses. Par sa sœur qui a 10 ans de plus que lui, il écoute ce qu’il désigne lui-même comme « la pop et le R&B qui passaient à la radio à l’époque » (selon un article de Marty Gunther publié dans Blues Blast Magazine du 11 octobre 2018). Côté parents, on est plutôt amateurs de soul fifties et sixties, même si le paternel est aussi fan de blues. Quant à sa grand-mère, elle sera une source d’inspiration vocalement car il aimait l’accompagner à l’église où elle chantait du gospel… Mais le plus étonnant, c’est que Mike Ledbetter envisagea dans un premier temps de devenir chanteur lyrique ! Il s’apprêtait ainsi à imiter une illustre aînée, Valerie Wellington (1959-1993), passée quelques années plus tôt par l’opéra, et qui deviendra une chanteuse chevronnée de blues. Triste ironie du sort, elle mourra elle aussi à 33 ans… Mais après ses études universitaires, Mike Ledbetter optera lui aussi finalement pour le blues.

 


Avec Curtis Salgado, Chicago, 2011. © Brigitte Charvolin

 


Avec Laura Chavez, Fitzgerald's, Chicago, 2017. © André Hobus

 


Avec Nick Moss, Fitzgerald's, Chicago, 2017. © André Hobus

 

La suite nous est évidemment plus familière. À la fin des années 2000, sa carrière prend un virage décisif quand il côtoie Nick Moss, à la tête de l’un des groupes les plus en vue de Chicago. Pourtant lui-même excellent chanteur, Moss est impressionné par Ledbetter et lui fait faire un essai sur son album “Here I Am” (Blue Bella, 2011). C’est le début d’une collaboration qui va finalement durer cinq ans ! Moss aide en outre Ledbetter à prendre confiance à la guitare, et même s’il n’est pas aussi brillant que les maîtres de l’instrument, il progresse vite et devient très crédible, en rythmique comme en solo. Mais on est bien sûr d’abord séduit par le chanteur, qui utilise à merveille sa voix de ténor pour exprimer une rare sensibilité qui marque les esprits.

 


Avec Mike Welch lors du Tribute to Otis Rush, Chicago, 2016. © Brigitte Charvolin

 


© Brigitte Charvolin

 

À partir de début 2016, Mike Ledbetter s’éloigne un peu du Nick Moss Band (duquel il reste toutefois proche), et lors d’une désormais fameuse performance au Chicago Blues Festival, il se produit avec Monster Mike Welch dans le cadre d’un hommage à Otis Rush. Les deux artistes décident de pousser plus loin la collaboration et réalisent l’année suivante l’album “Right Place, Right Time” (Delta Groove), une réussite à tous les niveaux qui laisse présager le meilleur pour le duo. D’une seule voix, les “deux Mike” m’avaient d’ailleurs confié lors d’un entretien publié dans le numéro 227 de Soul Bag que ce projet ne resterait pas sans lendemain, ce qui sera notamment confirmé par une tournée triomphale. Ils devaient d'ailleurs enregistrer le mois prochain un nouvel album pour Alligator. Hélas, un sort cruel et bien injuste vient d’en décider autrement tout en nous privant de l’un des artistes parmi les plus prometteurs de son époque.

Daniel Léon

 


© Brigitte Charvolin

 


Avec Diane Blue, Mike Welch et Ronnie Earl, Chicago, 2016. © Brigitte Charvolin