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Hommages / 01.05.2023

Mike Lachney (1950-2023)

Vous verrez rarement le nom de Mike Lachney cité dans les livres et encyclopédies consacrés aux musiques louisianaises. Pourtant, son rôle fut loin d’être négligeable. Pendant plus de cinquante ans, il assura inlassablement et avec passion la promotion de ce qu’il appelait la “down south Louisiana music”, comme chanteur, producteur, parolier, animateur radio et disc-jockey. 

Michael Wayne Lachney est né le 7 octobre 1950 à Kinder en Louisiane. De son propre aveu, son amour pour la musique naît lorsqu’à 7 ans il écoute pour la première fois Elvis Presley. En 1970, il entre au service d’Eddie Shuler à Lake Charles. Il assure la vente et la promotion des disques Goldband et de ses sous-marques comme Folk Star et ANLA. C’est sur ANLA qu’il enregistre sous son nom son tout premier 45-tours en compagnie de Danny James and his James Boys, This valentine / You’re mine. 

À partir de 1973, il décide de voler de ses propres ailes, créant les marques Lachney Records puis Bad Weather. Cette fois, il assure la promotion de ses propres disques, collaborant et enregistrant avec les artistes de swamp pop Jay Randall, Elwood Charles, Roy Chaffin, Ray Pitre ou encore Don Rich. Il développe aussi son service de DJ, animant les bals louisianais du samedi soir. 

Dans les années 1980, l’homme est toujours aussi actif. Il devient animateur pour l’émission de radio KREH à Oakdale et multiplie les sessions d’enregistrements pour son label Bad Weather, utilisant souvent le studio de JD Miller à Crowley. Un 45-tours de John Delafose en 1981, une composition pour Warren Storm, Joe Pete messin’ with my toot toot, en 1985. Il connait lui-même un certain succès en 1984 sous le pseudonyme de Bad Weather avec une reprise de Rainin’ in my heart de Slim Harpo. Il se fait aussi accompagner par Willis Prudhomme pour deux chansons, Don’t put your hand on that et That zydeco stuff, sur le label Lanor de Lee Lavergne.

À partir des années 1990, Mike Lachney produit essentiellement du zydeco. Son association avec l’animateur Todd Ortego lui permet de sortir un premier 33-tours sur le label Bad Pig. Une face est consacrée à un tout jeune Jo Jo Reed, l’autre à Leo Thomas. En 1995, il acquiert son propre studio d’enregistrement et multiplie les productions. Le nombre de musiciens qu’il découvre alors est impressionnant : Rosie Ledet, Donna Angelle, Cornelius Guidry, Pee Wee and the Zydeco Boll Weevils, Percy Walker et son fils Lil Malcolm, Henry Randle, Pierre et Lionel Stoot, Rooster and the Zydeco Roadrunners, Brad Randell… Il produit aussi des artistes qui avaient déjà enregistré pour le label Goldband, tels Willis Prudhomme, Herman G (Guiee), Milton Landry, Mark “Bon Ton” Saint Mary…

Son artiste principal reste cependant Leo Thomas avec pas moins de six productions : l’album sur Bad Pig, mais aussi “Sweet Soul Zydeco” avec Willis Prudhomme, “Zydeco Bull”, “I’m Going Blind”, “Leo Thomas Is A Sunama Gun”, “I’m A Bad Sucka For Ya”, ces deux dernières en compagnie d’un jeune Leroy Thomas. En fait, à ce moment Bad Weather est le premier label de zydeco en nombre d’artistes signés, devant Rounder et Maison de Soul ! Problème, ces enregistrements sortent uniquement à destination d’un public local, essentiellement sous forme de cassettes, lesquelles sont aujourd’hui difficiles à trouver. Même si certaines de ces productions sont distribuées par le label Maison de Soul, permettant une exposition un peu plus large (Rosie Ledet, Donna Angelle, Kojack and the Zydeco Warriors, Lil Malcolm), le nom de Mike Lachney reste largement inconnu du grand public. 

Les enregistrements cessent au début des années 2000. Toujours passionné, Mike continue son travail de disc-jockey pendant les week-ends et il assure un temps la promotion du chanteur et accordéoniste Bernie Alan. En 2014, son travail est en partie reconnu, étant introduit au hall of fame du swamp pop museum de Ville Platte. 

Il lui aura manqué un hit national ou la mise en valeur de sa musique par un label étranger pour que son nom fasse jeu égal avec un JD Miller, un Eddie Shuler ou un Floyd Soileau. La plus grande partie du catalogue du label Bad Weather, hautement qualitative, n’a à ce jour jamais été rééditée. Le sera-t-elle un jour ?

Texte : Philippe Sauret
Photo et images : Collection Philippe Sauret