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Brèves / 13.12.2012

Mickey rejoint Sylvia

Le guitariste Mickey Baker, considéré comme un novateur essentiel de la guitare au siècle dernier, s’est donc éteint le 27 novembre 2012 à l’âge de 87 ans à son domicile près de Toulouse. La nouvelle de son décès, qui nous parvient au moment où nous bouclons notre prochain numéro, a été relayée par la plupart de nos médias, Baker étant installé en France depuis cinq décennies. Elle nous chagrine d’autant plus que nous connaissions bien cet artiste, qui nous avait notamment accordé un long entretien dans Soul Bag n° 90 en 1982, dont nous avons d’ailleurs publié un extrait dans notre numéro actuellement en kiosque (page 11). Et il avait également participé à la soirée donnée à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de notre magazine, en 1993…

Né McHouston Baker le 15 octobre 1925 à Louisville (Kentucky), il connaît une enfance difficile et peu banale. En effet, à cette époque, sa grand-mère tient une maison close dans laquelle sa propre fille âgée de seulement 12 ans fait partie des prostituées. Baker provient ainsi d’une union entre cette gamine et un client de passage… En 1936, la mère de Baker, a priori coupable d’un meurtre, disparaît également de son univers. Dès lors placé en orphelinat, l’adolescent fugue souvent avant d’être rattrapé. Mais un beau matin de 1941, en vrai hobo, il « s’échappe » définitivement pour poser son baluchon en plein New York. Il a 16 ans et commence à vivre de petits boulots, notamment comme plongeur. Vers ses 20 ans, il s’intéresse à la musique et cherche à s’acheter une trompette (les jazzmen sont alors très populaires dans la ville), mais il n’a pas assez d’argent et le vendeur lui suggère de prendre une guitare ! Il apprend seul et plutôt vite, et selon certaines biographies, il aurait envisagé dès les années 1940 d’écrire des méthodes de guitare…

À partir de 1949, il vit en Californie et joue d’abord dans un groupe de jazz, mais il ne néglige pas non plus le blues qu’il découvre vraiment au contact de Pee Wee Crayton. Quand il revient sur la côte Est, sa carrière prend une nouvelle dimension, et il collabore à de grands succès des meilleurs artistes des années 1950 (essentiellement à la guitare, mais également en tant que compositeur et arrangeur) : Ray Charles (Mess around et It should have been me), Big Joe Turner (Shake, rattle and roll), Amos Milburn (One scotch, one bourbon, one beer) et Ruth Brown (Mama, he treats your daughter mean), mais aussi Ivory Joe Hunter, les Clovers, les Coasters, Louis Jordan, Joe Clay, LaVern Baker, les Drifters, les Moonglows, Champion Jack Dupree, Nappy Brown, Big Maybelle, Coleman Hawkins, Milt Buckner, Clarence « Gatemouth » Brown, Buddy Holly, Screamin’ Jay Hawkins, Sunnyland Slim, Cousin Joe… Mais la liste est interminable ! Parallèlement, il forme un duo célèbre avec Sylvia Robinson (Mickey & Sylvia), dont le fameux titre Love is strange atteint en 1956 la première place des charts R&B.

Ayant toujours plus de mal à supporter le racisme et à l’instar de son ami Memphis Slim, il s’exile en France au début des années 1960 et travaille avec des acteurs de la scène pop/variété comme Françoise Hardy, Sylvie Vartan, Chantal Goya ou encore Ronnie Bird. Bien entendu, entre-temps, Baker, qui est désormais un musicien immensément respecté, est également l’auteur de ses méthodes de guitare si recherchées (How to Play Jazz and Hot Guitar), publiées pour la première fois en 1956 et rééditées à maintes reprises… Sous son nom, il n’a certes enregistré que cinq albums de 1959 à 1992, mais ils s’inscrivent en témoignages de l’incomparable audace instrumentale d’un véritable artiste de la 6-cordes, qui aura jeté des passerelles entre jazz, blues et même rock.
Daniel Léon