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Live reports / 16.04.2013

Meshell Ndegeocello + Lizz Wright

Au sein d’une programmation anniversaire – trente ans déjà ! – plutôt pauvre en propositions soul et blues, l’association à la même affiche de Lizz Wright et Meshell Ndegeocello était particulièrement attirante cette année à Banlieues Bleues. Les deux artistes se sont en effet croisées récemment sur disque et toutes deux s’inscrivent naturellement dans la lignée de Nina Simone, figure tutélaire de la soirée : si l’hommage est explicite du côté de Ndegeocello, qui lui a consacré son dernier album, la filiation musicale est tout aussi évidente chez Wright, et se manifeste notamment dans le don pour l’appropriation d’un “grand répertoire” empruntant aussi bien aux classiques soul et pop qu’aux standards du blues et du gospel.

 


Lizz Wright

 

C’est Lizz Wright qui ouvrait la soirée. Si Wright bluffe par ses capacités vocales sur un répertoire largement emprunté à son dernier album, ses choix musicaux déçoivent. Le dépouillement qui lui réussissait si bien sur le formidable “Fellowship” laisse ici place à des arrangements vaguement fusion – mon voisin, l’estimable Nicolas Teurnier, me souffle une comparaison pertinente avec le son de Sade – sans grande personnalité portés par une section rythmique bavarde et un guitariste logorrhéique amateur d’effets électroniques à la Pat Metheny. Dommage, car Wright – dans une spectaculaire robe dorée – ne manque pas de présence scénique, ni de conviction dans ses interprétations. Un nouvel album est attendu pour les prochains mois, il sera intéressant de voir quelle orientation musicale elle y poursuivra.

 


Nicholas D'Amato, Lizz Wright, Brannen Temple

 

 

Habituée du festival, Meshell Ndegeocello semblait d’excellente humeur pour ce qui était présenté comme sa seule date française consacrée au répertoire, emprunté à Nina Simone, de son dernier album. Sans surprise, ce sont donc les titres figurant sur ce disque qui constituent la base du programme de la soirée. En l’absence des invités de l’album (sauf Lizz Wright, qui rejoint la scène le temps d’un Nobody’s fault but mine en apesanteur), c’est Meshell qui assure le chant sur chaque titre. Si certains font l’objet de versions proches de celles du disque, d’autres sont à nouveau totalement revisités pour l’occasion : Be my husband, habillé d’electro-pop et porté par la voix de Valerie June, est ici réinventé, dans une lecture très dépouillée, pour le chant grave de Meshell.

 


Meshell Ndegeocello

 


Deatoni Parks, Chris Bruce, Meshell Ndegeocello, Jebin Bruni

 

Malgré son goût naturel pour l’effacement (sa chorégraphie préférée semble être de retourner à côté de son ampli lorsqu’elle n’est pas en train de chanter) et la qualité de ses accompagnateurs, c’est elle, à la basse et au chant, qui habite réellement les chansons. Même sur des titres aussi marqués par leurs interprètes précédents que le Suzanne de Leonard Cohen, elle imprime sa marque et sa personnalité. Ses interprétations en fin de concert de See line woman et Don’t let me be misunderstood atteignent des sommets d’intensité. Si une partie du public, probablement déstabilisé par des arrangements sans concession, quitte les lieux en cours de route, la majorité de la salle lui réserve une approbation sans ambiguïté. Même si elle quitte la scène sans un regard pour la standing ovation que lui réserve le public, elle revient deux fois, et offre en dernier rappel à ses fans une version dépouillée – guitare acoustique et basse – d’un de ses vieux titres, Grace.

Frédéric Adrian

Photos © Éric Garault