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Live reports / 08.10.2019

Mécleuves Terre de Blues 2019

6 et 7 septembre 2019, Lanceumont (57).

Deuxième édition de ce festival proche de Metz et une attractivité confirmée avec plus de 2 500 personnes en deux soirées, massées devant les scènes ou dans les espaces de restauration, agencés efficacement. La programmation est variée, axée sur des artistes potentiellement spectaculaires et qui vont tous le confirmer.

Eric Starczan and the Three Kings lancent la première soirée du vendredi avec un concert dédié aux trois King, B.B., Albert et Freddie. Accompagné par un groupe de cadors, Christophe Deschamps (batterie), Laurent Vernerey (basse), Nicolas Liesnard (claviers), Eric Moulin (trompette) Nicolas Tuaillon (saxophones), Eric a le talent vocal et musical pour rendre hommage aux trois maîtres cités et donner vie à un set qui confirme l’intemporalité de leur musique. Nous aurons plus de B.B. et de Freddie que d’Albert, mais peu importe car c’est bien Eric que nous entendons à la guitare, avec un jeu articulé autour des riffs et thèmes originaux, qui s’envolent ou se posent de façon personnelle, dans un art consommé de la tension-détente. Big leg woman est funky à souhait, Sweet little angel est orné d’un superbe solo, et Going down est lancé de façon dure et tendue dans un son énorme, avec un solo alternant séquences plein pot et mezzo voce.

Sur la petite scène, le duo de blues acoustique Plymm accompagne les spectateurs en attendant la suite.

Alors que ses trois musiciens, Heggy Vezzano à la guitare, Luco Loppo Tonani à la basse et Leif Searcy à la batterie, sont montés sur scène, Andy J Forest arrive lui directement depuis l’arrière du public, jouant sans micro de son harmonica. L’homme a le sens du spectacle et il le montrera tout au long de sa prestation, chantant et jouant de l’harmonica, de la guitare et du washboard, avec forces mimiques, gestes des bras, pas de danse désarticulés et morceaux aux rythmes variés, le plus souvent chaloupés. De cette façon, il revisite et unifie Little Walter, Slim Harpo et d’autres encore, qu’il mêle à ses compositions, Voodoo lips, en hommage à Dr. John, un instrumental dédié à Miles Davis, God will understand en mode reggae, Crazy legs, dans un genre qu’il baptise lui-même “zydebo”, mélange de zydeco et de rythme à la Bo Diddley qui se transforme sur la fin en Iko iko. Nico Vallone, directeur artistique du festival, apparaît à l’harmonica sur Mellow down easy.

Malted Milk termine ce premier soir en commençant par un solide instrumental avec tout le monde à bord : Arnaud Fradin et Max Genouel aux guitares, Damien Cornélis aux claviers, Igor Pichon à la basse, Pierre-Marie Humeau à la trompette, Vincent Aubert au trombone et Richard Housset à la batterie. C’est costaud, la cohésion est totale et les titres du nouvel album “Love, Tears & Guns” défilent avec le supplément d’âme que le live peut apporter. The best in me, Branded by your love, Some tears you need to shed, et d’autres, prouvent leur potentiel, en l’état et en évolutions possibles, comme le duel de guitares sur It ain’t time for a change, le son twanguy et les effets de Daddy has a gun, qui montrent tout ce que Max peut apporter au groupe. No more honky donk donne lieu à la traditionnelle “bataille des cuivres” où Arnaud affecte une moitié de public à Pierre-Marie et sa trompette et l’autre à Vincent et son trombone, les défiant de faire le plus de bruit possible au fil des solos endiablés des deux compères. Baby I love you so met Damien et son orgue en valeur, suivi par un solo de guitare scatté d’Arnaud. Fort et superbe.

Le samedi commence avec Mama’s Biscuits sur la petite scène. Véronique Sauriat au chant, Mick Ravassat à la guitare, Philippe Floris à la batterie et Hervé Guillet à la basse, forment un groupe comme on les aime. Talentueux, érudit, sobre et, en ce jour, courageux car ils ont la difficile tâche de lancer la journée quand le public commence seulement à arriver, en étant de plus rapidement la proie de la météo avec du vent et de la pluie. Avec panache et classe, ils font face et renvoient les éléments au loin. Véronique évoque avec goût ses influences, parmi lesquelles Ruth Brown et Aretha Franklin, Mick Ravassat envoie des riffs et des solos avec une modestie confondante et Philippe Floris joue aussi bien les batteurs que les ambianceurs. 

On bascule vers la grande scène, non sans avoir goûté la fameuse saucisse blanche, et on prend une grosse dose de guitare avec Erja Lyytinen qui, pour être une guitare-héroïne, n’en oublie pas pour autant le feeling, la nuance et le contact avec le public. Son chant est, à nos oreilles, neutre, ce qui a le mérite d’éviter les exagérations et clichés qu’on peut entendre par ailleurs. Son jeu de guitare est dans les canons du blues rock, des tensions-détentes au bon moment, des solos à foison, un passage a cappella, des clins d’œil malins à des standards comme Summertime ou La vie en rose, et surtout un beau son, du partage avec le public et une image projetée très sympathique qui emporte tout.

En interscène, le trio Never Too Late a du talent pour garder le public au chaud.

Il faut l’être pour accueillir Raphael Wressnig et son orchestre sur la grande scène. Habillé avec une élégance folle, mais gêné par une blessure à la jambe, le wonder boy autrichien, pardon, mondial, de l’orgue Hammond, ouvre son show à puissance maximum avec un des nombreux instrumentaux hors norme de son répertoire, secondé par le toujours excellent Enrico Crivellaro à la guitare et un groupe au sein duquel on remarque particulièrement le trompettiste Horst-Michael Schaffer et la chanteuse Sabine Stieger Kreuziger. Puisant dans son riche répertoire, Raphael et son gang égrènent vocaux endiablés, I’m gonna give it to you, slow blues façon I want to tata you, et instrumentaux qui ne le sont pas moins, avec Enrico qui ressuscite Magic Sam avant de descendre dans la foule ou Raphael qui fait réapparaitre Bill Doggett au milieu de sa composition Banana boogaloo, ou les Isley Brothers sur It’s your thing. Après avoir raconté sa vie sur Born to roam puis littéralement mis le feu à son orgue Hammond, Raphael bat le rappel avec Nico Vallone à l’harmonica.

L’orage qui a essayé de perturber Véronique Sauria et ses Mama’s Biscuits n’est rien en comparaison de la tornade qui va s’abattre sur le festival avec l’entrée en scène de Sugaray Rayford. Quand il tape du pied sur la scène pour donner le tempo, celle-ci tremble sur ses bases, le micro tombe de son pied, et tous les musiciens sont remontés comme des pendules pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Le seul à rester impassible est le batteur Lavell Jones, son physique de lutteur et ses improbables lunettes de soleil. C’est le saxophoniste Aaron Liddard qui ouvre le spectacle, avec Lavell Jones justement, et ça emmène le public dans un domaine inattendu, comme Sugaray aime le faire. « This ain’t a concert, this is a party », nous dit-il, et son set est à la fois préparé et instinctif. Après avoir interprété Who is he and what is he to you et Big leg woman, il provoque le public : « Pourquoi ne dansez-vous pas ? » Et d’enchaîner les passages funk, country, reggae, pour conclure par Comfortably numb emprunté à Pink Floyd et chanté par l’organiste Drake “Munkihaid” Shining.

Suivent Blind alley, Dark night of the soul, une nouvelle apparition de Nico Vallone à l’harmonica, le traditionnel lancer de colliers dans la foule, et l’invitation de Erja Lyytinen à la guitare. L’interprétation de Take me back, titre phare du dernier disque, précède un bain de foule, d’abord backstage vers les bénévoles puis dans le gros du public. De retour sur scène, Sugaray envoie Grits ain’t groceries pour rappeler, si besoin, son ancrage dans l’histoire. Il annonce ensuite que le groupe va jouer un peu de B.B. King, un peu de James Brown, « parce qu’il peut tout jouer », et il enchaîne avec un medley Cold sweat / Shake rattle and roll / Beans and cornbread avant de feindre la fin de concert et de faire un rappel avec I’d kill for you, rappeler Nico Vallone à l’harmonica pour Worried life blues, Drifting blues, puis Aaron Liddard pour un solo de saxophone sans micro, avec chant a cappella et harmonica non amplifié. On croit que c’est terminé mais l’homme revient pour chanter What a wonderful world en solo. Larger than life!

Une belle édition qui confirme que l’est de la France a son nouveau rendez-vous incontournable avec Mécleuves Terre de Blues.

Mama’s Biscuits : Mick Ravassat, Véronique Sauriat, Philippe Floris
Erja Lyytinen
Raphael Wressnig
Sabine Stieger Kreuziger
Alastair Green, Sugaray Rayford

Texte et photos : Christophe Mourot

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