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Live reports / 31.10.2013

Mavis Staples (+ Leyla McCalla)

La veille d'un concert londonien au Royal Albert Hall, Mavis Staples joue à Paris… au New Morning ! À guichets fermés, l'honneur est sauf.

Avec pour seuls compagnons son violoncelle, son banjo et un micro, Leyla McCalla doit faire patienter la foule compacte. Elle capte toute son attention avec un faible volume sonore, révélant ainsi un charisme indéniable. La sérénité avec laquelle la jeune Américaine présente les morceaux de son nouvel et premier album (“Varied-colored Songs”, paru chez Dixiefrog) force le respect. Touché subtil à l'archet comme pizzicato, chant limpide bien posé, Leyla McCalla met en musique des textes de Langston Hughes (le thème principal de son disque) et fait siennes des chansons traditionnelles en créole haïtien. En rappel, Blue runner de Joseph “Bébé” Carrière conclue une réjouissante escapade poétique dans le creuset culturel louisianais.

Voir Mavis Staples accéder aux loges dans un fauteuil roulant en inquiéta plus d'un. La chanteuse de 74 ans l'explique sur scène, elle a depuis peu un genou « tout neuf », ce qui la forcera à s'asseoir à plusieurs reprises au cours de sa prestation. Mais vocalement, pas de ménagement. Le temps a beau lui avoir confisqué certains atouts (son growl “coince” et une partie des aigus semble hors d'atteinte), la figure de proue de la famille Staples n'est jamais là pour chantonner. La profondeur de son timbre unique fait encore des ravages. Et puis le soutien de ses trois choristes (sa sœur Yvonne, Vicki Randle et le très subtil Donny Gerrard) garantie d'intenses passages – dès l'entrée en matière a cappella avec Wonderful savior ou plus loin la relecture de The weight du Band – qui portent haut l'héritage des Staple Singers, sans compter que Rick Holmstrom (guitare) et Jeff Turmes (basse) peuvent s'y mettre aussi. Avec Stephen Hodges aux baguettes, ces deux-là sont depuis maintenant longtemps les garants du son live de Mavis. Ça se sent, ça s'entend, jusque dans l'interlude instrumental : tandis que Mavis souffle hors des projecteurs, sa voix de joie trouve un prolongement saisissant dans le bootleneck à fleur de peau d'un Turmes passé à la six cordes pour l'occasion.

 


Vicki Randle, Donny Gerrard, Yvonne Staples, Rick Holmstrom, Mavis Staples

 

 

 

Le répertoire n'oublie pas le nouvel album : Can you get to that, repris à Funkadelic, fonctionne décidément à merveille, I like the things about me instaure un climat poisseux, Holy ghost et sa pulsation traînante flanquent la chaire de poule. Bien sûr, la part belle est faite aux “freedom songs” (Eyes on the prize, We're gonna make it, Freedom highway…) qui résonnent encore fort un demi-siècle plus tard. Côté tube, on se délecte d'une longue version d'I'll take you there et surtout d'un bijou de sensualité qu'on supposait à tort exclu du programme actuel, Let's do it again. Exquis. De quoi faire oublier l'absence de Respect yourself. Rendez-vous l'été prochain pour, espérons-le, une tournée royale dans les festivals.

Nicolas Teurnier

Photos © Stella-K