;
Live reports / 18.07.2022

Mavis Staples, La Cigale, Paris

8 juin 2022.

« The Staples take you there for 70 years… I ain’t tired yet. » Incroyable Mavis qui vient de conclure une bonne heure et quart de concert par l’imparable I’ll take you there, fameux hymne du répertoire familial. Respect yourself était bien sûr aussi de la partie, niché en milieu de set, tout comme l’indéboulonnable If you’re ready (Come go with me) en ouverture si efficace. On a beau deviner un discret prompteur sur tablette, pas question pour Mavis Staples de faire ronronner un programme figé. À près de 83 ans, la chanteuse majuscule enterre rapidement notre crainte d’être déçu trois ans après son passage fabuleux dans la même Cigale.

De cette petite grande femme émane toujours une force radieuse, son imposante voix de contralto et sa respiration marquée se moquent des années et continuent d’embarquer les âmes en présence. La Cigale réagit au quart de tour, la Cigale se lève à maintes reprises. Il faut dire que le groupe assure. Une autre équipe qu’en 2019, mais toujours merveilleusement pilotée par le fidèle capitaine Rick Holmstrom. On ne soulignera jamais assez le rôle clé de cet homme dans la réussite de la dernière partie de carrière de Mavis, et ce soir on reprend de plein fouet toute l’étendu de son talent. Ce son, ce boulot colossal en rythmique, cet art du contrechant, cette verve en solo, et même cette capacité à assurer dans les graves au micro en l’absence du fort regretté Donny Gerrard (1946-2022). Holmstrom est partout sans être envahissant, véritable poumon d’un répertoire qu’il sait si bien incarner et faire crépiter.

Deux choristes sur la gauche, parmi lesquelles on reconnaît bien sûr l’excellente Saundra Williams (de Saun & Starr), qui prendre notamment un beau lead sur Can you get to that. La seconde, Kelly Hogan, est un peu plus discrète mais tout aussi impliquée. De l’autre côte de la scène, la basse de Gregory Boaz répond à la batterie de Steve Mugalian, le tandem irradie sereinement dans des eaux gospel soul qui n’oublient jamais d’être bluesy et funky. Et Mavis, donc, de piocher comme à son habitude dans sa très qualitative discographie récente. Des perles façonnées avec Jeff Tweedy (Who told you that) ou Ben Harper (Brothers and sisters, Change) et des relectures habitées extraites de l’album tout fraîchement publié et enregistré en 2012 avec feu Levon Helm.

Au fameux The weight qui fait depuis longtemps partie de sa setlist, s’ajoutent ainsi un You got to move bien lowdown et un This is my country qui donne l’occasion à Mavis d’interpeller les Américains qui voudraient revenir en arrière, à ces années 1950-60 qu’elle a traversées le combat dans la voix. Mavis est toujours là. C’est pour nous tous une chance immense.

Texte : Nicolas Teurnier
Photos © Frédéric Ragot