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Live reports / 04.06.2019

Malted Milk, Espace Jean Monnet, Étréchy (91)

11 mai 2019.

Après l’épisode Roots Combo et plusieurs mois passés à concocter leur nouvel album (le magnifique “Love, Tears and Guns”, couronné du Pied dans notre prochain numéro), Malted Milk fêtait son retour sur scène à l’Espace Jean Monnet d’Étréchy, au sud de Paris. Salle confortable (et bien remplie), accueil chaleureux, personnel aux petits soins, tarifs raisonnables : merci aux organisateurs de permettre aux mélomanes d’assouvir leur passion dans des conditions aussi agréables. On ne le dit pas assez, mais c’est grâce à ce type d’initiatives que les musiques raciniennes se déploient et s’implantent hors des métropoles et des grands festivals.  

Malted Milk a revu son set de fond en comble. Centré autour de leurs nouvelles compositions, leur show est très connoté soul mais demeure fidèle à leur esthétique funky blues. Le noyau dur du groupe demeure inchangé : Arnaud Fradin à la guitare et au chant, Richard Housset à la batterie, Igor Pichon à la basse, Damien Cornélis aux claviers. À la seconde guitare, une nouvelle recrue : Maxime Genouel, notamment contrebassiste du groupe rennais Lazy Buddies, spécialisé dans le swing et le blues West Coast. Deux cuivres pour compléter : Pierre-Marie Humeau à la trompette et Vincent Aubert au trombone.

Vincent Aubert, Pierre-Marie Humeau

Dès l’entame du show, le plaisir de jouer des musiciens saute aux yeux comme aux oreilles. On les sent complices, très concentrés aussi. Il n’est jamais facile de roder une tournée, d’autant que les structures des nouveaux morceaux sont complexes. Peaufinés durant deux semaines de répétitions intenses, les arrangements diffèrent du disque, autant pour des raisons techniques (absence de cordes et de chœurs féminins) que pour éviter l’effet redite. D’où des enchaînements inédits et de longues plages réservées à l’improvisation. Pour autant, aucune rigidité : la section rythmique reste remarquable de groove et de souplesse ; sans eux, rien de possible.

Coincé entre son clavier Nordlead et son imposante cabine Leslie, Damien Cornélis, tout sourire, malaxe de goûteuses nappes d’orgue. Quant aux cuivres, ils participent aux débats avec enthousiasme. L’interaction entre les deux guitares est remarquable. Arnaud délivre des chorus brillants, efficaces, bien posés, ainsi que des rythmiques précises et tranchantes (accords, arpèges, quelques fills). Maxime Genouel construit des contrepoints en single notes de cordes graves étouffées main droite (sa culture de bassiste confère à son jeu une grande originalité), d’accords brisés en triades et de montées-descentes de sixtes. C’est un bonheur de les écouter dialoguer. Même leurs sonorités sont complémentaires : le twang de la Telecaster d’Arnaud (qui fait preuve d’une étonnante douceur lorsqu’il bascule en micro grave) se marie très bien à la nervosité fifties, quasi-rockab’, de Maxime. Soulignons aussi la qualité des chœurs (Igor, Maxime) qui réussissent à faire oublier l’absence de choristes féminines.

Enfin, au-delà de ses qualités techniques, Arnaud Fradin sait instaurer un lien de proximité avec les spectateurs. Convivial et didactique, il alterne explications sur la genèse des morceaux et traits d’humour adressés à lui-même, au groupe ou aux spectateurs.

Maxime Genouel, Arnaud Fradin
Richard Housset

Avec de tels atouts, leur programme passe comme une lettre à la Poste, sans ce côté amidonné dont peuvent souffrir certains rodages de tournée. Citons entre autres l’intro instrumentale bien funky, les délicieux soul blues The best in me et Ain’t it time for a change (bénéficiant des superbes solos d’Arnaud, de ses subtiles variations d’attaque pouce-médiator et de son sens affûté des silences), la méchamment funky Branded by your love et ses chorus de guitare harmonisés, le single Some tears you need to shed, splendide ballade soul qui démontre à quel point Arnaud est un grand chanteur, enchaînée à une tournerie Meters qui débouche sur une spectaculaire battle de cuivres (la trompette à droite, le trombone à gauche ; gros succès dans la salle !).

L’ambiance vire Mississippi orageux avec Daddy has a gun : climat lourd et menaçant, staticité harmonique en mi majeur, solos clapoteux en wah wah, attaques violentes au plus près du chevalet, moulinets sur cordes à vide : un grand moment. Retour au calme avec Payday, parenthèse acoustique du disque, ici interprétée à trois voix, délicatement portée par quelques accords de Telecaster. Direction la Jamaïque avec Children of the world et ses développements psychédéliques puis hommage à William Bell avec la reprise de It’s happening all over que l’on jurerait avoir été écrite pour eux. On continue dans la soul avec More and more et ses arpèges en trémolo, puis final chaud bouillant avec la groovy Money (dédiée à Cahuzac) et la funky-blaxploitation You got my soul.

Damien Cornélis

Le rappel verra les musiciens revenir soulagés (le public a bien apprécié les nouveaux titres), goguenards (« Bon, on revient pour 15, 30 ou 45 minutes ? ») et toujours désireux d’en découdre. Le final est dantesque, marqué par les incroyables chorus scattés d’Arnaud Fradin et les gigantesques chorus d’orgue de Damien Cornélis. Le public danse dans la fosse et les travées et le groupe quitte la scène sous des vivats bien mérités.

Malted Milk s’apprête à parcourir la France cet été, avec des arrêts au New Morning le 12 juin (release party du nouvel album) et au Cahors Blues Festival le 14 juillet pour un concert qui s’annonce d’anthologie (les sept musiciens d’Etrechy, plus Hugh Coltman, des cordes, des choristes et un saxophoniste !). Ne les manquez surtout pas !   

Texte : Ulrick Parfum
Photos © Sébastien Marchadier

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