;
Hommages / 29.03.2021

Malcolm Cecil (1937-2021)

Originaire de Londres, Malcolm Cecil se fait remarquer à la fin des années 1950 en tant que bassiste sur la scène jazz et blues britannique. Sur scène et sur disque, il joue avec Annie Ross, Ronnie Scott, Chris Barber, Stan Getz, Graham Bond ou Ernest Ranglin, et participe avec Cyril Davies et Alexis Korner aux débuts de l’aventure Blues Incorporated. C’est cependant son installation aux États-Unis et sa rencontre avec Robert Margouleff qui vont réellement lancer sa carrière. 

Propriétaire de studios et spécialisé dans la réalisation de jingles publicitaires, celui-ci s’intéresse beaucoup aux synthétiseurs qui commencent à faire leur apparition sur le marché et dont il imagine le potentiel économique. Peu intéressé par l’aspect technique de la chose, Margouleff fait appel à Malcolm Cecil pour maîtriser les nouveaux instruments. Très vite cependant, les deux hommes dépassent l’aspect utilitaire de l’outil et se lancent dans l’expérimentation avec l’album “A Moog Mass”, crédité à Caldera, tout en prêtant leur savoir-faire débutant à d’autres artistes, dont Richie Havens. Innovateur dans l’âme, Cecil développe, sur la base d’un Moog Série III bricolé, un synthétiseur polyphonique analogique, qu’il baptise The Original and New Timbral Orchestra – soit TONTO en abrégé. L’instrument occupe une pièce entière dans le studio de Margouleff, et les deux hommes enregistrent un album complet avec lui : crédité à Tonto’s Expanding Head Band, “Zero Time” est publié en 1971 sur Embryo Records et attire l’attention, entre autres, de Stevie Wonder

Le partenariat entre Wonder, Cecil et Margouleff ouvre ce qui est sans doute la période la plus productive de la carrière du premier. En quatre ans, de 1972 à 1974, le trio enchaîne les chefs d’œuvres avec quatre albums qui combinent créativité débridée et succès commercial : “Music Of My Mind”, “Talking Book”, “Innervisions” et “Fulfillingness’ First Finale”, auxquels s’ajoutent “Perfect Angel” de Minnie Riperton et deux albums de Syreeta. L’histoire s’arrête brutalement, sur fond de crédits insuffisants – tandis que Stevie enchaîne les Grammys, les deux autres se contentent de récompenses techniques – et d’interventionnisme d’un entourage aux intentions troubles. Malcolm Cecil ne retrouvera Wonder qu’en 1991, en jouant un rôle mineur sur “(Music From The Movie) Jungle Fever”… 

Après la rupture, Cecil, qui avait ponctuellement travaillé avec d’autres artistes au temps de leur collaboration avec Wonder, développe ses collaboration, parfois ponctuelles – de Joan Baez à Quincy Jones en passant par Mandrill, Wilson Pickett et Billy Preston –, parfois plus approfondies, en particulier avec les Isley Brothers (quatre albums entre 1973 et 1976) ou avec Gil Scott-Heron (à partir de la fin des années 1970 et jusqu’à l’album posthume “We’re New Here”), souvent en partenariat avec Bob Margouleff. Il publie également un album personnel en 1981, “Radiance”. Il se montre plus discret à partir du milieu des années 1980 – même s’il contribue à quelques projets dans le courant des années 1990. Largement reconnu comme un pionnier des musiques électroniques, il continuait ces dernières années à partager son expérience avec le public à l’occasion de conférences et de salons.

Texte : Frédéric Adrian
Photo © X/DR

Frédéric AdrianMalcolm CecilStevie Wonder