Célia Wa, New Morning, Paris
07.06.2023
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31 mai 2022.
Découverte à la fin des années 1990 avec l’album “On How Life Is” et le tube I try, Macy Gray n’a pas vraiment confirmé dans les années qui ont suivi, et son comportement parfois erratique sur scène et sa discographie très inégale – aucun de ses albums des dix dernières années n’est entré dans le classement principal de Billboard – a fini par décourager un certain nombre de ses fans, au point que le Bataclan, pour cette date maintes fois reportée, est assez loin d’être rempli, même en configuration intégralement assise, pour l’accueillir.
Laissons à la première partie, tout à fait inadaptée à ce qui suivait, le bénéfice de l’anonymat – c’était son premier concert, qui plus est devant une salle encore en train de se remplir… Macy Gray est précédée sur scène par son nouveau groupe, le California Jet Club, avec qui elle a publié quelques titres ces derniers mois, soit le bassiste Alex Kyhn, le batteur Tamir Barzilay et le clavier (et chanteur occasionnel) Billy Wes, renforcés d’un percussionniste seulement présenté comme “young Josh”. Le temps d’un instrumental et la chanteuse les rejoint. Peut-être parce qu’elle sait qu’elle a besoin de restaurer le lien avec ses admirateurs, c’est dans les classiques issus de ses deux premiers albums qu’elle puise en ouverture, Relating to a psychopath en premier, puis Why didn’t you call me, Do something et Still – dans une version abrégée et précédée d’une introduction blues chantée par Billy Wes –, en intercalant la reprise du Nothing else matters de Metallica qu’elle chante régulièrement depuis une douzaine d’années. Si ce choix a pour objectif de satisfaire les fans de longue date, il semble enthousiasmer très modérément la principale intéressée, qui peine à cacher sa lassitude et en donne des interprétations en pilote automatique, accordant de longs solos – pas passionnants – à ses accompagnateurs, pendant lesquels elle se positionne en fond de scène, tournant le dos au public.
Miraculeusement, un déclic se produit lorsqu’elle attaque Me with you, une composition à laquelle elle semble réellement s’identifier – et, un peu cruellement, le seul titre original issu d’un des huit albums studio qu’elle a publié sur les vingt dernières années à être au programme – puis sur le morceau suivant, l’encore inédit Every night, annoncé sur le prochain disque. Le sommet de la soirée est ensuite atteint avec Creep, la reprise de Radiohead devenue un des classiques de la chanteuse qui l’interprète régulièrement sur scène et sur laquelle elle fait appel avec succès au soutien du public.
C’est hélas le moment choisi par Macy Gray pour quitter la scène, le temps d’un changement de tenue. Pendant son absence, l’orchestre est rejoint par un clarinettiste – dont le nom m’a échappé – pour une version instrumentale (mais chantée par le public) de La vie en rose avant que le batteur ne s’offre un solo aussi complaisant qu’inintéressant. Quand elle revient, le moment de grâce est passé, d’autant qu’elle attaque The disco song, un titre fort médiocre paru il y a quelques mois, qui plus est enchaîné avec un extrait de l’atroce Da ya think I’m sexy? de Rod Stewart puis avec quelques phrases de son propre Sexual revolution. Un autre titre encore inédit, Mr. Policeman, plutôt insignifiant, fait suite avant qu’une longue introduction parlée fasse place – à la grande satisfaction du fan qui profitait de chaque instant calme pour le réclamer – au classique I try, bien chanté et partagé avec le public, qui se termine par quelques secondes du Three little birds de Bob Marley.
Le rappel démarre de façon un peu incongrue avec un court DJ set du percussionniste pendant que les roadies changent la disposition de la scène. C’est donc entourée de ses musiciens et en mode semi-acoustique que Macy Gray interprète trois titres de l’album à venir – dont Thinking of you, publié il y a quelques mois et qui ne manque pas de charme – avant de retrouver la configuration initiale pour deux derniers classiques, Sweet baby et The letter. Si les fans de Macy Gray semblent satisfaits de la prestation de la chanteuse, l’ensemble laisse cependant une impression mitigée, et il est assez clair que celle-ci manque depuis longtemps d’une direction artistique à la hauteur de son incontestable talent.
Texte : Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot