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Live reports / 10.11.2011

LUCERNE BLUES FESTIVAL


Patrick Rynn, Tail Dragger, Kirk Fletcher, Henry Gray

Le concert le plus intense du festival fut sans conteste celui donné par Bob Corritore & the Rhythm Room Allstars (Chris James, guitare ; Patrick Rynn, basse ; Brian Fahey, batterie), venus pour l'occasion avec deux vétérans, le chanteur Tail Dragger et le pianiste Henry Gray. La section rhythmique Rynn-Fahey (augmentée pour l'occasion du guitariste Kirk Fletcher !) est souple et excitante, et Chris James est pareil à un feu follet tout droit venu du South Side de la fin des années 1950 ! Beaucoup de sueur, du blues vrai de vrai et des notes qui font toujours mouche : en ouverture, les Rhythm Room Allstars n'ont pas tardé à allumer le feu et propager une ambiance électrique, digne des meilleurs juke-joints. Tail Dragger avec sa gouaille habituelle, ses harangues et son chant guttural à la Howlin' Wolf, était parfait en position d'invité (ni trop, ni trop peu). Surtout, Henry Gray, ex-sideman du Wolf, était dans une forme étonnante pour son âge, heureux d'être là et de chanter son deep blues. Le duo entre les deux vétérans était particulièrement épatant. Et Corritore lui-même ? Sideman cultivé, humble et attentif, il évite d'en mettre partout à l'harmonica et privilégie les interventions justes et percutantes, toujours bien placées et bien senties. Brillant et totalement blues vintage. Il le démontra également lors du Delta Groove Harp Blast où il partagea la scène avec Big Pete (pas Pearson, un autre), Randy Chortkoff et Mitch Kashmar. Des musiciens certes compétents mais, sans vraiment de personnalité distinctive, vite redondants et donc lassants. Mis à part Corritore, le meilleur du set vint des guitares de Kirk Fletcher et Alex Schultz.


Bob Corritore

 C'est toujours pareil avec Ruthie Foster. Autant elle ne me convainc pas plus que ça sur disque (y compris son CD live), autant elle me scotche en direct sur scène ! Son concert fut une fois de plus épatant, enthousiasmant, tonifiant, etc. Sa voix exceptionnelle lui permet de passer d'un style à l'autre (blues, gospel, folk…) sans qu'on remarque le moindre décalage.


Ruthie Foster

Dans un autre registre, ce fut un peu pareil pour Terrence Simien & the Zydeco Experience, dont le réjouissant gumbo est fortement taj-mahalien : quelle belle fiesta en clôture de festival !

L'habitué Otis Clay offrit quant à lui un set assez standard (voir le CD live “In The House” sur Crosscut et rajouter le Got to get back enregistré récemment avec les Bo-Keys) mais nettement moins intense que sa première venue au festival en 2002. Son concert fut quand même à la hauteur de nos attentes : une soul impériale héritée du gospel par un de ses meilleurs interprètes – que demander de plus ? Enfin, le dernier grand moment fut celui passé en compagnie de Deitra Farr et de son band de Chicago (entre autres l'excellent Billy Flynn à la guitare et Melvin Smith à la basse, croisé quelques semaines après en France sur la tournée Chicago Blues Festival).


Deitra Farr

Colin Linden (qui joue trop fort), Howlin' Bill (trop rétro bien appliqué), Andy Egert ou Shawn Pittman n'ont pas été déplaisants mais ne m'ont pas laissé de souvenir marquant. Au coin des guitaristes blues-rockers, Larry McCray, toujours avec son frère Steve à la batterie, me semblait plus original la première fois que je l'ai vu – mais c'était il y a vingt ans, en première partie de Gary Moore et Albert Collins à l'Olympia. Il n'était peut-être pas très judicieux de programmer un tel concert rentre-dedans juste après Otis Clay… En tout cas, Larry a du métier et, avec son rock-blues musclé de col bleu, il assure mieux que Quintus McCormick, grosse déception en ce qui me concerne avec son groupe quelconque, son bavardage de notes quasi ininterrompu et le côté racoleur d'un show qui puise dans les grosses ficelles du blues-rock et de la soul avant de culminer avec des reprises de Santana.

Mais la plus amère déception du festival fut hélas Joe Louis Walker, que je me faisais pourtant une joie de revoir sur scène pour la première fois depuis douze ans (lors de sa mémorable tournée acoustique avec Billy Branch et Matt “Guitar” Murphy). Je ne m'étendrai pas sur certains aspects de ses deux désastreux concerts, et je me contenterai de dire qu'on était très loin du Joe Louis qu'on a pu connaître : à côté de la plaque, minaudant avec son matos voire parfois vaguement agressif, jouant la montre avec un répertoire au mieux quelconque, l'homme n'avait visiblement pas envie d'être là. Murali Coryell et Amar Sundy aux guitares font de leur mieux pour sauver ce qui peut l'être. On espère que Joe Louis saura trouver la force d'à nouveau en finir avec ses errements.
Éric
Photos © Blueseye Pictures


Joe Louis Walker