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Brèves / 26.02.2012

Louisiana Red, 1932-2012

Le secret n’a pu être gardé bien longtemps. Hospitalisé le 20 février pour un dérèglement thyroïdien, Louisiana Red souffrait visiblement également d’insuffisance rénale. Plongé dans le coma, il est mort hier matin à Hanovre en Allemagne, à l’âge de 79 ans. Né Iverson Minter le 23 mars 1932 à Bessemer en Alabama (un lieu qui reste toutefois sujet à caution, le bluesman lui-même citant plusieurs localités différentes…), il connaît une jeunesse marquée par un terrible double drame. En effet, sa mère décède une semaine après sa naissance, et son père est lynché par le Ku Klux Klan alors qu’il n’a que cinq ans. Après un séjour en orphelinat à La Nouvelle-Orléans, il est d’abord recueilli par sa tante et son oncle, qui vivent en Pennsylvanie. Ensuite élevé à Pittsburgh par ses grands-parents qui lui offrent sa première guitare, il découvre la musique dans les années 1940 en écoutant la radio et auprès du guitariste Crit Walters, qui lui apprend les rudiments de la guitare blues. Après avoir formé un trio, il est remarqué par l’animateur radio Bill Powell qui lui suggère de s’adresser directement aux frères Chess à Chicago, où il grave en 1952 dix titres sous le pseudonyme de Rocky Fuller, dont deux avec Little Walter à l’harmonica. L’année suivante, il enregistre à Detroit pour Checker quatre autres plages (dont une avec John Lee Hooker), cette fois sous les noms de Playboy Fuller et Rockin’ Red… On le retrouve à New York après son service militaire, où il se fait désormais appeler Louisiana Red et joue également de l’harmonica. En 1962, il signe pour le label Roulette un formidable album (aujourd’hui en CD sous le titre « The Lowdown Back Porch Blues »), qui contient les mémorables Red’s dream, I’m Louisiana Red et Ride on, Red, ride on… Ce disque révèle toutes les caractéristiques d’un grand bluesman : voix éraillée chargée d’émotion, guitare et harmonica passionnés (Louisiana Red est un magnifique guitariste slide, il faut le souligner), humour des compositions. D’autres albums suivent dans les années 1960, mais à l’instar de Gérard Herzhaft dans sa Grande encyclopédie du blues, on peut lui reprocher une propension à imiter ceux qui l’ont influencé, dont Muddy Waters, Jimmy Reed et Elmore James. Il réalise néanmoins en 1975 et en 1976 deux albums de très belle facture, « Sweet Blood Call » et « Dead Stray Dog ». Très demandé sur les festivals, il rencontre en 1982 sa femme Dora et s’installe à Hanovre, qu’il ne quittera plus. Louisiana Red accède au rang de légende vivante et multiplie tournées et enregistrements. Si sa discographie apparaît inégale (deux de ses trois derniers CD, « Back To The Black Bayou » en 2008 avec Little Victor et « You Got To Move » avec David Maxwell en 2009, sont toutefois fort consistants et seront justement récompensés), il exercera jusqu’à la fin la même fascination sur des auditoires sensibles à une implication et une authenticité qui ne l’ont jamais quitté. Notre photo le montre avec Dennis Binder au piano, à Kansas City en 2006 (© Nicolas Teurnier).

Daniel Léon