Blk Odyssy, La Bellevilloise, Paris, 2024
13.11.2024
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20 avril 2023.
Depuis qu’elle l’a découverte dans son enfance – sur des cassettes ! –, l’œuvre d’Aretha Franklin n’a plus quitté Lisa Spada, qui lui a d’ailleurs consacré il y a quelques années un podcast en quatre épisodes (https://soundcloud.com/lets-get-together/sets/queen-in-waiting-podcast). Elle a souvent chanté et fait chanter par ses camarades au sein du collectif Let’s get together les classiques des années Atlantic et Arista, mais a également exploré à plusieurs reprises celui de ses débuts, avec un spectacle baptisé Aretha Jazz, centré sur ses disques Columbia, et c’est ce show, parfaitement adapté au format club, qu’elle donnait au Sunset, accompagnée d’un quartet emmené par le fidèle Laurent Avenard à la guitare avec Sylvain Dubrez à la contrebasse, Toma Milteau à la batterie et le jeune et prometteur Nathan Mollet au piano, remplaçant en dernière minute du titulaire indisponible.
Si le registre est effectivement jazz, c’est au sens très large du terme, avec un jazz qui, comme sur les disques Columbia de la Queen of Soul, fait une large place au blues, au R&B et aux influences venues du gospel. À l’opposé des arrangements parfois excessifs des albums, la simplicité du format permet ici de se concentrer à la fois sur la qualité du répertoire et des interprétations. Sans se pencher particulièrement sur les tubes – le principal succès de l’époque, Operation heartbreak, est d’ailleurs absent du programme –, Spada met en valeur toute la diversité stylistique de ces enregistrements souvent mal considérés par les amateurs qui peinent à dépasser les chefs-d’œuvre de la période Atlantic, entre standards de jazz, compositions pop et perles blues.
Si la chanteuse se sort bien, sans surprise, des morceaux jazz – Love for sale, Ac-cent-tchu-ate the positive… –, c’est sur les titres blues qu’elle donne sa pleine puissance interprétative, qu’il s’agisse de morceaux créés par Aretha comme Today I sing the blues ou de classiques comme Trouble in mind. Le plus rare Maybe I’m a fool, issu du premier album gravé avec le trio de Ray Bryant, fait aussi l’objet d’une interprétation habitée.
En final, Lisa Spada s’autorise une excursion en dehors du cadre chronologique strict des années Columbia avec Night life, enregistré une première fois sur l’album “Aretha Arrives”, mais surtout immortalisé sur l’album en public “Aretha in Paris”, avant d’inviter au rappel deux habitués des soirées Let’s Get Together présents dans la salle, Brice Pihan et Kissia San, à la rejoindre sur scène pour partager un Respect qui, s’il n’est plus tout à fait dans le thème, satisfait la partie du public qui espérait quelques titres plus connus du répertoire d’Aretha.
L’ensemble constitue en tout état de cause un bel hommage à la richesse et à la diversité de la carrière de la Queen of Soul – un surnom qu’elle acquiert d’ailleurs au cœur de ces années Columbia, contrairement aux idées reçues –, qui mériterait d’être proposé largement par les clubs et festivals.
Texte : Frédéric Adrian
Photo d’ouverture © Lucie Locqueneux