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Live reports / 24.10.2022

Let’s Get Together – Mahogany Soul Edition, New Morning, Paris

8 octobre 2022.

C’est désormais devenu une tradition : deux ou trois fois par an, la Reine de Chœur Lisa Spada réunit quelques-unes des plus belles voix de la scène soul parisienne autour d’un répertoire thématique – celui d’un artiste majeur comme Aretha ou un concept comme celui d’“electric soul” – réarrangé de façon originale, l’ensemble des vocalistes invités formant une chorale et alternant au poste de soliste. 

Pour ce rendez-vous, la thématique annoncée était “Mahogany Soul”, soit le lien naturel entre une certaine soul seventies – celle de Stevie Wonder, en particulier – et le mouvement neo soul des années 1990-2000, d’Erykah Badu à D’Angelo. Initialement prévu pour le concert de mars 2020, le programme a donc dû attendre plus de deux ans pour voir le jour…

Comme à l’accoutumée, c’est au DJ résident du New Morning, Etienne Atn Dupuy, qu’il appartient de faire monter la pression pendant l’arrivée du public, et il en profite pour glisser dans sa sélection de classiques quelques sons inédits de son projet Echoes Of, qui devraient faire son début discographique à la fin de l’année. 

C’est l’orchestre qui s’installe en premier, composé d’habitués de l’évènement (David Lamy à la batterie, Carel Cléril à la basse, Laurent Avenard à la guitare, Dany Lavital au Rhodes, Damien Cornélis à l’orgue, Gilles Garin à la trompette Hamza Touré et Yann Jankielewicz aux saxophones et Philippe Cortez au trombone), avant que la troupe des voix (outre Lisa Spada, Rony, Brice Pihan Kissia San, Driss Farrio, Laetitia N’Diaye, Ulrich Kwasi et Mickaëlle Leslie) ne rejoigne la scène en chantant et en traversant le public. Après ce début choral, c’est Mickaëlle Leslie – une habituée du Bizz’Art, notamment – qui est la première à prendre le micro pour A long walk, emprunté à Jill Scott, avant que Lisa Spada ne s’attaque à un autre classique de la légende de Philly, le très beau It’s love, qui débouche sur le standard Mothership connection partagé par l’ensemble des voix, avec Driss Farrio – très convaincant – dans le rôle de George Clinton et évidemment le chœur assemblé pour le passage gospelisant « Swing down, sweet chariot ».

Après ce début époustouflant, le I found my smile again de D’Angelo porté par Brice Pihan paraît un peu léger, mais le Spanish joint qui suit, toujours emprunté à D’Angelo et interprété par Driss Fario, ne tarde pas à faire remonter la température, d’autant qu’il s’enchaîne avec le Crazy race du RH Factor, avec Lisa Spada et Laetitia N’Diaye qui se partagent le rôle assuré par Renee Neufville. Costard blanc immaculé et pas de danse endiablés, Kissia San – qui est désormais la chanteuse des Excitements, où elle a remplacé Koko-Jean Davis – a tout pour s’attaquer au Tightrope de Janelle Monáe, et elle le fait à sa façon propre, sa voix rauque aux accents gospel se substituant parfaitement au registre de soprano de Monáe, d’autant que son niveau d’énergie et sa présence scénique n’ont rien à envier à ceux de l’Electric Lady.

Difficile d’enchaîner après une telle tornade, mais Laetitia N’Diaye est à la hauteur du défi avec un Little ghetto boy frémissant, emprunté à Donny Hathaway et qui bénéficie d’un superbe solo de Rhodes. Le final et son message d’espoir (« Everything has got to get better ») se prête évidemment à l’approche chorale et le public, sollicité par Lisa Spada, ne se prive pas pour donner de la voix, comme en écho à celui qui répondait à Hathaway sur le fameux “Live” paru il y a maintenant 50 ans. 

Les contraintes du monde réel m’interdisent hélas de rester pour le second set, mais cette nouvelle édition confirme que Let’s get together est devenu un rendez-vous majeur pour la scène soul parisienne, au point d’ailleurs que quelques festivals de goût – Jazz à Juan et le Sunnyside Festival rémois, en particulier – lui ont accordé une place dans leurs programmations récentes, ce qui pourrait donner des idées à d’autres évènements… Le prochain rendez-vous parisien, en tout cas, aura lieu le 10 décembre.

Texte : Frédéric Adrian
Photo © Laura Grange

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