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Live reports / 20.02.2019

J.P. Bimeni & The Black Belts + Muddy Gurdy

Les Nuits de l’Alligator (Part. 1), La Maroquinerie, Paris, 20e, le 3 février 2019.

Produit de saison par excellence, c’est toujours dans la froideurdu début février qu’on se retrouve à aller prendre un coup de chaud aux nuits de Nuits de L’Alligator. Ce sympathique festival itinérant, défricheur et bon marché a pour sa quatorzième édition convié sur son affiche plusieurs groupes dont Soul Bag se fait régulièrement l’écho.

Pour cette première parisienne du festival (déjà passé par La Rochelle, Rouen et Bordeaux les jours précédents), la délicate mission qui consiste à ouvrir le bal, qui plus est un dimanche soir, revenait à Muddy Gurdy. Ce projet un peu dingue se résume en une phrase, comme Tia Gouttebel (chant, guitare) à l’issu du premier morceau : « Tenter un pont entre l’Auvergne et le Mississippi à l’heure où certains veulent monter des murs. » À cette simple introduction, la salle quelque peu clairsemée réagit heureusement au quart de tour, confortant le trio à attaquer un second titre tiré du répertoire d’une figure du nord-Mississippi, Jessie Mae Hemphill.

Marc Glomeau, Tia Gouttebel, Gilles Chabenat

À l’image de leur album paru l’an passé, compos et reprises égrainent donc ce premier set de la soirée. Un chouette travail autour des percussions (Marc Glomeau), une voix pondérée, picking, riffs solides, sans extravagances se juxtaposent avec cet étrange instrument venu d’un autre temps : une vielle à roue (Gilles Chabenat). Sorti du contexte des musiques traditionnelles et régionales françaises, ce genre de bestiole est peu commun, mais au cas où vous auriez du mal à vous le figurer, le folk du centre France et le Hill Country blues du nord Mississippi ont apparemment beaucoup de points communs ! À commencer par l’enracinement. Musiques “terroir” à l’évidence et une forme de rusticité amplifiée par un bourdon quasi constant. Les nuances hypnotiques de l’instrument s’entremêlent naturellement au reste des notes et des accords tournoyants.

La prestation est courte, mais sacrément envoûtante. On se demande malgré tout pourquoi le trio n’a pas été programmé le même soir que Cedric Burnside, bien présent sur l’album enregistré in situ (Mississippi) et qui lui aussi est à l’affiche de cette édition des Nuits de l’Alligator.

 

On passera rapidement sur la sidérante, théâtrale voire glaçante prestation d’Anne O’Haro. Nouvelle voix du maloya réunionnais dont la musique n’a pas grand-chose à voir avec les musiques dont Soul Bags’occupe. Si la poésie créole et la richesse des musiques de l’océan indien vous interpelle, vous pouvez tendre l’oreille vers son premier album tout récemment paru.

Anne O’Haro

Pour finir la soirée, le rendez-vous était pris avec J.P. Bimeni & The Black Belts. Ce bluffant chanteur de soul que nous avons interviewé à l’occasion de son premier album (“Free Me”, cf. SB233) était apparemment attendu de pied ferme à en juger par le public qui cette fois se fait plus compact.

J.P. Bimeni

Les codes du genre sont respectés. Les six membres de l’orchestre occupent l’intégralité de la scène. Cuivres et clavier à gauche, basse et guitare à droite, batterie au centre. C’est Oh-wow, un instrumental pêchu de 1969 signé Lou Lupo & Panic Buttons (combo éphémère de Philadelphie), que les Black Belts empruntent pour annoncer la star du soir. Bretelles sur élégante chemise blanche, Bimeni déboule et impose sa silhouette XL. Tout sourire, il semble que le jeune soulman originaire du Burundi soit très heureux de cette première date parisienne.

Sans trop de surprises défilent les morceaux de “Free Me”, dans un ordre différent, mais restant malgré tout assez fidèles à l’enregistrement dans leur forme, arrangements et tempos. On ne vous cachera pas qu’en début de prestation, la voix de Bimeni pouvait paraître bien en deçà de ce qui nous avait bluffé sur disque. Heureusement, au fil des titres et plus particulièrement lors de ballades comme Pain is the name of our game ou I miss you, le grain et la maîtrise vocale sont bel et bien au rendez-vous.

Un peu comme si un temps de chauffe avait été nécessaire pour cet admirateur des grandes figures du genre tels que Ray Charles, Marvin Gaye ou Otis Redding. Le Big O étant celui auquel on pense inévitablement au regard du phrasé, de la gestuelle, de la voix et du faciès sous tension de Bimeni. Ce visage ruisselant de sueur au terme de l’heure de concert que viennent de nous offrir Bimeni et ses camardes barcelonais sera donc un des chouettes souvenirs de cette première nuit parisienne de l’Alligator.

Julien D.
Photos © Wilfried-Antoine Desveaux

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