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Live reports / 21.02.2018

Les Nuits de l’Alligator

Fidèle à ce rendez-vous rock qui chaque année recoupe malgré tout des genres musicaux traités dans nos colonnes, Soul Bag en était, de cette alléchante soirée d’ouverture des Nuits de l’Alligator millésime 2018.

C’est la grosse caisse et la guitare saturée de The Goon Mat épaulées par l’harmonica fiévreux de Lord Bernardo qui nous accueillent au tréfonds d’une Maroquinerie clairsemée. Pourtant, leur set, nourri de heavy boogie blues aux ressorts punk et d’une grille d’accords majeurs allant droit à l’essentiel, doit bien s’entendre depuis l’autre bout de la rue. Une énergie et un son qui ne sont pas sans rappeler cette éruption de groupes décomplexés apparus dans les années 2000 sous l’impulsion des publications de blues brut publiés par Fat Possum (le label d’Oxford, Mississippi). La recette, si elle est déjà vue, reste efficace. Et ce duo en provenance de Liège, à l’écoute de la clameur et des applaudissements du public, aura assurément rempli la délicate mission qui lui était confiée (ouvrir la soirée et le festival).

 


The Goon Mat & Lord Bernardo

 

 

 

 

 

Changement de plateau pour Automatic City, dont Soul Bag a déjà vanté les mérites des deux albums. Un drum kit customisé avec bongos, scie métallique, bouteilles, canettes en métal et divers accessoires sur la droite. Thérémine, chambre d’écho et une guitare soliste sur la gauche. Contrebasse et chanteur-guitariste au milieu de la scène, le décor est planté.

 


Automatic City

 

 

Savant mix de vibrations fifties et sixties, les titres qu’enchaînent les quatre garçons sont gorgés d’une forme de blues électrique, rock’n’roll, R&B sauvage et même de chouettes échos swamp-cajun bien poisseux. Sur la reprise pleine de reverb d’un titre populaire d’Elvis Presley (Crawfish), on pourrait songer aux New-Yorkais d’Heavy Trash. Mais la comparaison s’arrêtera là.  Avec le soupçon d’électronique embarquée (Thérémine, boîte à rythme primaire, stylophone), un guitariste soliste au jeu sec et catchy et cette coloration très “exotica” que fournit le batteur-percussionniste, ce groupe lyonnais emmené par Eric Duperrey (croisé aux côtés de Patchwork avec Mr. Day) tient un truc bien à lui. Pistez donc leurs prochaines dates s’ils passent vers chez vous, effet garanti.

 

 

 

Une bonne demi-heure de pause pour reprendre notre souffle et c’est l’heure d’accueillir la deuxième date parisienne de Deva Mahal. Un EP déjà disponible depuis plusieurs semaines, une montée en puissance promotionnelle, et c’est une salle désormais remplie aux trois quarts qui accueille avec un frémissement rassurant la fille du légendaire bluesman. Visiblement émue, Deva, après quelques mots d’introduction, attaque un set aux arômes d’une soul toute contemporaine. Le quartet qui l’accompagne est identique à celui vu au Duc des Lombards deux mois plus tôt et qu’elle nomme The Dirty Power. Du sale ? Que nenni. Le registre joué ce soir lorgne plutôt une soul-R&B bien lustrée. Batterie métronomique, jeu de guitare élastique, nappes de Rhodes et basse gonflée à bloc.

 


Deva Mahal

 

 

 

Son single Run deep arrive rapidement dans la setlist. Puis, comme pour conserver l’entrain du public, Deva invite la salle au hand clapping pour la version live de Snake. Une excellente composition qui nous permet de goûter aux possibilités vocales de la demoiselle. Les titres joués ce soir sont malheureusement trop souvent écourtés par des fins un peu bancales. C’est dommage. Le guitariste qui à mon goût place un peu trop de solos, pas toujours bienvenus, illustre assez bien ces quelques écueils qu’il faudrait justement éviter. Le groupe, encore un peu vert, n’offre pas toujours à Deva Mahal la liberté et la chaleur que sa musique est susceptible de procurer su scène. Le raffut bienveillant du public avant le rappel prouve néanmoins qu’il faudra suivre cette affaire-là de près.

Jules Do Mar
Photos © Frédéric Ragot