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Live reports / 06.08.2010

Les Escales

Avec 50 000 spectateurs sur la durée d’un week-end et un public mélangeant en harmonie touristes et locaux, familles avec enfants et festivaliers chevronnés, Les Escales sont devenues en 19 éditions un des plus importants festivals français dédiés à ce qu’il est d’usage d’appeler les musiques du monde. L’édition de 2010 avait pour thème les « musiques noires », large parapluie abritant aussi bien des musiciens africains – parmi lesquels les super stars du continent, telles que Youssou N’Dour et Salif Keita que jamaicains (le formidable all-star acoustique Inna Da Yard, dont on imagine très bien le concept décliné autour du blues…) et américains.

 

Pour l’occasion, le blues était représenté par le guitariste Dr. Burt, un protégé de la fondation Music Maker. Sans être très original, il a proposé à l’occasion de ses diverses prestations une bonne tranche de blues sans fioritures, à base de reprises prévisibles (Jimmy Reed notamment). Dommage qu’il se soit adjoint un batteur peu pertinent.

 

Côté soul et funk, le festival avait frappé un grand coup en invitant George Clinton avec la version actuelle de Parliament-Funkadelic, qui ne comprend plus beaucoup de membres « historiques » (je n’ai identifié que le chanteur Clip Payne et le guitariste Michael Hampton). Probable symptôme du mauvais état financier de Clinton, il avait même recruté pour l’occasion une section de cuivre française !

Le résultat musical était extrêmement décevant. Même réduit à deux heures pour cause de contraintes festivalières, le concert est plus que confus, démarrant sur deux instrumentaux à la guitare (dont Maggot brain, en hommage aux deux anciens du groupe récemment disparus, les guitaristes Gary Shider et Phelps Collins) et alternant les bons moments – notamment les trop rares interventions vocales de la formidable Belita Woods ou un inattendu Doctor Feelgood bluesy interprété par une certaine Mary Griffin et les moins bons – l’intervention du vétéran Gene Anderson et tous les passages chantés par le définitivement aphone Clinton , et sombrant même régulièrement dans le ridicule, le temps d’un rap interprété par une petite-fille de Clinton et du morceau braillé par l’invraisemblable Kim Manning, chaussée de roller skates… Annoncé comme l’une des têtes d’affiches du festival, le concert a fait le plein, mais une large partie du public a bien vite déserté, préférant se reporter sur d’autres scènes et ne laissant devant Clinton que ses fans les plus dédiés – qui ne se sont pas pour autant sentis obligés de réclamer un rappel !

 

Ancien collègue de Clinton – entre autres ! , le tromboniste Fred Wesley se produisait avec l’étonnant projet Abraham Inc, au sein duquel il partage la scène avec le légendaire clarinettiste klezmer David Krakauer et le rappeur SoCalled. Si le mélange ne donne pas grand-chose sur disque, il se montre très explosif sur scène, alternant les classiques du son klezmer et les morceaux habituels du répertoire de Wesley, qui ressortent ragaillardis de leur contact avec un style différent.

 

Parmi les autres grands moments du festival – plus éloignés des musiques habituelles de Soul Bag , on citera le plateau éthiopiques avec le très blues Mahmoud Ahmed et la version locale de JB qui m'a en fait plutôt fait penser à Otis Redding Alèmayèhu Eshèté (accompagnés par le très bon orchestre français Badume’s Band), le formidable jazzman éthiopien Getatchew Mekuria et ses envolées à la Sun Ra, le duo explorateur entre Justin Adams et Juldeh Camara, le reggaeman grande gueule sénégalais Naby

Avec un prix bas – une vingtaine d’euros pour le week-end, gratuit pour les moins de 12 ans , une organisation sans faille, une ambiance très conviviale – formidables stands associatifs de restauration, allant du poulet yassa à la bratwurst germanique ! et une programmation exemplaire mêlant vedettes populaires et découvertes, Les Escales est une réussite dont certains festivals blues et environs feraient bien de s’inspirer. Inutile de dire que la 20e édition du festival, début août 2011, méritera qu’on lui prête attention…
Frédéric Adrian