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Hommages / 17.04.2021

Leo “The Bull” Thomas (1937-2021)

La nouvelle est venue de son fils Leroy via les réseaux sociaux. Leo Thomas est décédé le 13 avril des suites du Covid. Né le 8 janvier 1937 à Basile ou Elton – selon les sources – en Louisiane, le jeune Leo commence par jouer de la guitare dans un groupe de rhythm and blues, les House Rockers. Mais c’est comme batteur qu’il accompagne plusieurs orchestres locaux, dont Wilfred Latour et Preston Frank. 

C’est avec la formation de Preston, les Swallow Playboys, qu’il enregistre pour la première fois en 1981 pour Chris Strachwitch et son label Arhoolie (“Zydeco Vol. 2”). Sur les neuf faces publiées, quatre sont chantées par Leo Thomas qui contribue largement au succès commercial local et artistique. Deux titres se détachent particulièrement de cette séance : Shake what you got, hypnotique et irrésistiblement dansant, et surtout Why you wanna make me cry, adaptation habile du morceau Tit monde d’Alphonse Bois Sec Ardoin et Canray Fontenot. Réenregistrée à plusieurs reprises, demandée à chacun de ses concerts, elle est devenue la chanson fétiche du batteur et un classique du répertoire zydeco (Keith Frank, Zydeco Force, Nathan Williams…).

Après un 45-tours pour le label Lanor au milieu des années 1980 comprenant le magnifique blues I’m gonna move, Leo Thomas poursuit une carrière discographique exemplaire dans les années 1990 grâce au producteur Mike Lachney. Sous sa direction paraît d’abord la première face d’un 33-tours sur le label Bad Pig (l’autre face étant consacrée à Jo Jo Reed), puis les enregistrements “Sweet Soul Zydeco” en compagnie de Willis Prudhomme (Bad Weather, 1990), “Zydeco Bull” (Maison de Soul, 1991), “I’m Going Blind” (Bad Weather, 1997). Entre-temps il aura formé son propre fils Leroy avec qui il enregistre Leo Thomas “Is A Sunama-Gun” (Bad Weather, 1999) et “I’m A Bad Sucka For Ya” (Bad Weather, 1999). À partir des années 2000, Leo Thomas est en semi-retraite et ne se produit plus que sporadiquement avec le groupe de son fils ou celui de Geno Delafose, chantant à l’envie son Why you wanna make me cry.

Seul batteur à avoir dirigé un groupe de zydeco, Leo a sillonné pendant plus de 40 ans les trail rides, festivals, clubs et church halls de Louisiane et du Texas. La parution de la plupart de ses enregistrements en format cassette, en nombre limité et aujourd’hui quasiment introuvables, ont assurément nui à une reconnaissance plus large de son talent. Mais au sein du public de la communauté créole sa popularité était immense. Surnommé The Bull (le taureau), il avait acquis le titre d’homme le mieux habillé du zydeco. Son influence sur les jeunes générations est marquante et plusieurs musiciens ont composé des chansons en son honneur : Keith Frank bien sûr (The bull), mais aussi Jo Jo Reed qui demande au maître comment devenir lui aussi un taureau (I wanna be a bull). Si le mot légende est souvent largement galvaudé, il n’est pas de trop pour qualifier Leo Thomas. Avec son décès, c’est bien une partie de l’histoire de la musique créole de Louisiane qui disparaît.

Philippe Sauret
Photo d’ouverture : Houston, 1989. © DR

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