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Brèves / 25.08.2011

Leiber lâche Stoller

La double signature de Jerry Leiber et Mike Stoller restera parmi les plus marquantes de la musique populaire moderne. Mais depuis ce 22 août 2011, Stoller est orphelin car Leiber s’est éteint à 78 ans des suites d’une insuffisance cardio-pulmonaire. Jerome « Jerry » Leiber naît le 25 avril 1933 (soit six semaines après Stoller) à Baltimore dans le Maryland, où sa mère tient une épicerie près du ghetto noir. Très jeune, Leiber se sent très proche de la culture noire au point de la revendiquer : à l’instar d’un Johnny Otis, il dira d’ailleurs qu’il s’estimait Noir. Quand sa famille s’installe à Los Angeles en Californie, il travaille dans un magasin de disques et rencontre en 1950 un jeune pianiste du nom de Mike Stoller, venu de Long Island (New York). Les deux hommes partagent les mêmes goûts musicaux (blues et R&B) et décident de collaborer, Leiber se chargeant des textes et Stoller de la musique. Ils connaissent un succès rapide avec des titres parus en 1952, Hard times pour Charles Brown, Kansas City pour Little Willie Littlefield et surtout Hound dog pour Big Mama Thornton. De ce dernier, Elvis Presley fait en 1956 un hit mondial en modifiant les paroles, ce qui fera enrager Leiber qui dira ne plus reconnaître sa chanson… Mais cela ne les empêche pas de collaborer, Elvis obtenant d’autres réussites avec des compositions de Leiber et Stoller, dont Jailhouse rock et Loving you. Ils s’orientent également vers le R&B avec des textes toujours inoubliables pour les Robins (Riot in cell block n° 9), les Coasters (Yakety yak), Ben E. King (Stand by me), les Drifters (Spanish Harlem avec Phil Spector), les Clovers (Love potion n° 9), etc. Il serait vain de prétendre dresser la liste des classiques estampillés Leiber/Stoller, en outre repris par des centaines d’artistes, mais vous pouvez aller voir à cette adresse sur leur site… Le duo poursuit ses activités dans les années 1960 et 1970, avec toutefois un ralentissement progressif et un retentissement moindre. Mais peu importe, l’essentiel est fait. En étant là quand il fallait l’être, Leiber et Stoller ont modifié le cours de l’histoire de la musique populaire. En aidant le blues à enfanter le rock, en relançant le R&B pour initier la pop music. Quant à Jerry Leiber, il nous laisse des textes largement inspirés de la culture afro-américaine, dans lesquels il savait aborder les sujets les plus sérieux, tout en faisant également preuve d’un humour décalé. D’ailleurs, en 1990, il déclarait au magazine Rolling Stone : « Au début, nous écrivions pour nous amuser. Nous avons eu beaucoup de chance car cela a fini par également amuser bien d’autres personnes. » Certes, mais aujourd’hui, on n’a pas le cœur à rire, monsieur Leiber.
Daniel Léon