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Live reports / 20.03.2013

LEGENDARY RHYTHM AND BLUES CRUISE

Beaucoup de festivals dits de “blues” – certains le sont encore – proposent des affiches attractives. Mais combien vous offrent une semaine entière d’une programmation de premier choix, pratiquement jour et nuit et à votre service ? Un seul : les Legendary Rhythm & Blues Cruises, en route vers les Caraïbes, quand froid, neige et vent nous touchent de plein fouet.

 

La veille déjà, dans un grand hôtel de Fort Lauderdale, la pré-party (!) organisée par la Blues society de Floride du Sud, rassemble les “novices” et les anciens, cette fois au son d’Otis Cadillac & The Eldorados – feat. The Sublime Seville Sisters – un catalogue de voitures classiques à eux seuls, sauf que choristes/chanteuses, en mini-robes noires, ne sont pas vintage (devrais-je écrire vingt âge ?) tandis que notre leader de revue doo-wop/R&B à la Blues Brothers (neuf musiciens) les fait, lui, mélange d’Andre Williams pour la gouaille, et de machisme d’opérette pour le show. Ce n’est pas toujours au point (les membres proviennent de groupes locaux divers) mais ils sont sympas et entraînants. La claque viendra après, en vedette : The 44’s ! Quarante heures de route depuis Los Angeles ! Look tatoué total et un punch d’enfer, pour ces héritiers de feu Lester Butler (leur harmoniciste, Tex Nakamura, joue plein pot, et c’est bon !) ; on commence fort.

 

Et vogue le New Amsterdam d’Holland America ! 2 110 joyeux quinquas branchés et musiciens, 810 membres d’équipage et 5 scènes : sur le pont arrière, au cœur de la proue, en intime, au sommet… ça jump à tous les étages à un moment ou à un autre, avec une rotation de trois concerts hebdomadaires par artiste. Vous avez raté Taj Mahal accompagné du Phantom Blues Band – pas moins ! – le 20 – au profit de Mark Hummel’s Harmonica Blow Out (Lazy Lester / Sugar Ray Norcia) ? Pas de souci, il repasse le 23 et le 26, parfois dans une autre salle.


Taj Mahal


Mark Hummel


Lazy Lester


Sugar Ray Norcia

 

Comme je suis fan de Rod Piazza & The Mighty Flyers – ici en deux formules conjuguées : d’anciens membres (Bill Stuve, b, Alex Schultz, g, Jimi Bott, dm) avec ses actuels, plus des saxes – ah! voir en chair et en os des Jon Viau, Keith Crossan… ! – je n’ai pas voulu en manquer une minute, quand bien même Piazza (vo, hca) avait son propre segment au sein de la revue de Tommy Castro.


Rod Piazza

 

Little Charlie Baty, ex-Nightcats, reprend du service (magnifique !) chez Hummel et va jammer avec des musiciens qu’il “sent” : Monkey Junk, par exemple, des Canadiens qui, quand ils jouent blues (sans basse, sinon les cordes du deuxième guitariste et leur leader, Steve Marriner, n’est pas mauvais à l’harmonica) prennent aux tripes (après, ils dégénèrent). C’est un feu de notes à peu près permanent qui commence à 11 heures du matin et se termine… aux petites heures. La programmation vous démonte, à défaut de l’océan. Avec toujours quelques invités “spéciaux”, cette année : Mitch Woods (vo, p) et Gina Sicilia (vo) à l’escale de Tortola (Kenny Neal – vo, g, lap steel – lui, se retrouve chez Tommy Castro et chez qui veut l’entendre) : Ronnie Baker Brooks (vo, g), chaudement arrivé de la fête inaugurale de Barak Obama avec Buddy Guy, est partout ; Danielle Schnebelen (jeune bassiste de Trampled Under Foot) et Debbie Davies, très bonne guitariste-accompagnatrice qui sent le bon accord à placer. Pensez Dion DiMucci (vo, g) – un rescapé de la dernière tournée de Buddy Holly – dont les sexarockers bedonnants fredonnent les hits par cœur (The wanderer, Drip drop…) : il a gardé cette belle voix bluesy à la diction claire (mais garde des intonations italo-Bronx) au service de son répertoire racinien doo-wop. Accompagnement acoustique sonnant 12 cordes (hélas, ses orchestrations sortent d’un ordinateur), mais c’est Debbie Davies qui fera la différence.


Little Charly Baty


Rod Piazza, Steve Marriner, Mark Hummel


Ronnie Baker Brooks

 

D’autres prestations à pointer ? Mavis Staples, toujours émouvante dans ses titres gospel soul-blues aux paroles engagées, incitant au respect des droits civiques (Rick Holmstrom, g, est impeccable dans la sobriété). Malgré quelques ennuis de cordes vocales lors du show non prévu des Voodoo Women (pratiquement toutes les artistes féminines réunies en gigantesque jam), elle gospelise à souhait Jesus is on the mainline.


Rick Holmstrom et Mavis Staples

 

Lazy Lester (vo, hca, g). Oui, le vétéran louisianais de chez J.D. Miller/Excello, aux compositions “classiques”, I’m a lover not a fighter, par exemple, reprises par de nombreux groupes britanniques, est en pleine forme, malgré l’approche de ses 80 ans. Ce qui fait plaisir est qu’il se consacre à l’harmonica, style Jimmy Reed, son influence majeure. Son segment au sein de la revue de Mark Hummel (vo, hca), autre spécialiste waltérien, avec Little Charlie Baty en guitariste soliste virtuose et, en invité, Sugar Ray Norcia (vo, hca) chaleureux comme toujours, apporte de la nostalgie bien comprise. Osez-vous imaginer les jams quand ces super pros jouent ensemble, pour le plaisir ?! C’est sur le pont arrière que ça tangue !

 

Elvin Bishop (vo, g). Quand est-ce que les festivals européens qui se veulent présenter la crème de la crème vont-ils le programmer ?! Ce bluesman historique (cofondateur du Paul Butterfield Blues Band) est un régal à chaque set, à chaque apparition, et est un habitué des croisières R&B. Répertoire perso mélodieux, une présence décontractée, des vocaux expressifs, un band soudé où percent des individualités (S.E. Willis, piano et accordéon ; Ed Early, trombone), une contrebassiste veloutée (Ruth Davis, ex-Charles Brown) et, surtout, un sound distinctif émanant de son jeu de slide sur sa vieille Gibson de 1969, avec des chorus orchestraux à l’unisson. Fun !


Elvin Bishop

 

Cependant, c’est l’ambiance intimiste du piano bar qui vous tente, surtout aux petites heures ? Alors, vous vous asseyez confortablement face à Kenny “Blues Boss” Wayne, S.E. Willis, Barrelhouse Chuck et leurs anecdotes blues. À 1 h 30, c’est le “règne” d’Eden Brent, la reine de l’entertainment barrelhouse qui vous la joue beuglant, voix et verre permanent en prime, comme ses mentors du Mississippi. Et puis, l’un(e) ou l’autre s’invite en “voisin” : ses collègues pianistes ou invités, tels (Johnny Maddox, par exemple), Mark Hummel (hca), un sax, le batteur de Tommy Castro, ou la sensuelle violoniste de chez Otis Taylor, Anne Harris. Et tous ceux que je n’ai pas vus !


Eden Brent


Anne Harris

 

Partout, la sono est remarquable, les éclairages soignés sans “effets spéciaux”. Que du bonheur, vous dis-je, quand vous prenez un cocktail sur une plage de sable fin en compagnie de Smokin’Joe Kubek & B’nois King (vo, g), en acoustique, les Lee Boys ou Southern Hospitality, un trio de choc (accompagné d’une section rythmique) composé de Victor Wainwright (vo, p), J.P. Soars (vo, g) et Damon Fowler (vo, b), ces nouveaux venus qui en connaissent un rayon (de soleil, bien  sûr). Pendant ce temps, Mr. & Mrs. Piazza se baignent dans une eau transparente, accompagnés cette fois, de raies mantas furtives. Une découverte “americana” : la chanteuse-pianiste-guitariste Kelley Hunt, de Kansas City, bien campée dans de solides bottes bicolores, et à la tête d’un groupe bien soudé, aux arrangements précis ; ça déménage sérieusement !


B'nois King


Smokin' Joe Kubek


Southern Hospitality


Kelley Hunt

 

Mentionnons aussi Marquise Knox qui confirme toutes ses qualités de bluesman ; John Primer (Russ Green, hca), 100 % feeling Chicago comme il se doit ; Big Head Todd & The Monsters plus cuivres (il tombe très vite dans le lourd) ; Samantha Fish : taille mannequin et bonne guitare, surtout dans les jams avec Tommy Castro, mais voix immature ; Ray Bonneville ; Tab Benoit, en grand défenseur du blues rock, tendance New Orleans, mais aussi batteur expérimenté ; Tasha Taylor (fille de Johnnie Taylor) : elle a le mérite de défendre un répertoire personnel et non de s’appuyer sur celui de papa, son frère Jon Harrison tient la guitare ; Terrance Simien & The Zydeco Experience ou de l’accordéon entraînant et mélodieux, teinté de reggae pop. Tous professionnels jusqu’au bout des ongles.


Marquise Knox


Samantha Fish et Tommy Castro


Tab Benoit


Terrance Simien


Tasha Taylor


Les Lee Boys à la plage

Texte et photos : André Hobus