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Live reports / 23.02.2023

Lee Fields, Le Trianon, Paris

17 février 2023.

Trois ans que Lee Fields n’était pas venu chanter en France, sans doute sa plus longue absence depuis le début des années 2000. C’est donc un Trianon plein à craquer qui l’attend avec une ferveur qui est perceptible bien avant que la musique commence pour cette soirée qui marque la fin d’une vraie tournée française – enfin ! – d’une dizaine de dates.

Vétéran des clubs parisiens depuis au moins une quinzaine d’années, le groupe Uptight assure une ouverture de soirée à la hauteur des enjeux. Cuivres affûtés et rythmique propulsive se mettent au service d’un répertoire original (en anglais) accrocheur bien incarné par la chanteuse Sabrina Lebon dont la voix rauque évite les clichés. Habitué de la scène, l’ensemble n’a aucun mal à impliquer le public dans sa musique, et les premiers rangs n’hésitent pas à répondre aux sollicitations quand il s’agit de reprendre à pleine voix Happiness, extrait de leur dernier EP. Le reste du répertoire – dont Tomorrow is my turn, chanson-titre du même EP – est très bien accueilli, et c’est une ovation enthousiaste qui salue la courte prestation d’un groupe qui mérite évidemment une plus grande exposition dans les salles et festivals de France. 

Le temps d’un court entracte et arrive l’orchestre de Lee Fields. Pas de grande surprise : comme il l’avait annoncé dans les colonnes de Soul Bag, ce sont bien des visages familiers qui le composent – Toby Pazner aux claviers, Joe Crispiano à la guitare… – et, si l’affiche ne comprend pas de nom de groupe, Fields les présentent à plusieurs reprises sous celui des Expressions. Comme d’habitude aussi, c’est par un instrumental que s’ouvre la soirée avant que Crispiano, qui fait office de MC, se charge d’accueillir sur scène le grand homme qui porte pour l’occasion une spectaculaire veste dorée à paillettes. 

Mais il n’est plus question de paillettes quand Fields commence à chanter sur ce You can count on me absent du dernier album, mais paru courant 2022 sur un EP, “Ordinary Lives”, passé un peu inaperçu. Si le chanteur est désormais septuagénaire, sa voix n’a pas pris une ride et continue à irradier de soul à l’état pur. Ça n’est d’ailleurs sans doute pas totalement par hasard qu’il enchaîne avec I still got it, proclamation de résilience qui date déjà d’une dizaine d’années et de l’album “Faithful Man”, avant un autre classique, Love comes and go, dont il donne, au grand plaisir du public, une version à rallonge. Standing by your side, extrait de “Emma Jean”, suit. 

Toby Pazner, Lee Fields,Evan Pazner, Jacob Silver, Joe Crispiano

Comme toujours, c’est le dernier album, “Sentimental Fool”, qui constitue le cœur de son show, et Fields en enchaîne ensuite plusieurs chansons, commençant par le morceau éponyme suivi de Got to get through to you. Visiblement, une bonne partie des spectateurs est familière de l’album, et ils reprennent volontiers avec Lee Fields le refrain. Si l’ambiance était déjà intense jusqu’ici, elle monte encore d’un cran sur la ballade What did I do, avant laquelle Fields rappelle qu’il est « really a bluesman »

Autre chanson phare du disque visiblement très attendue, Two jobs est précédée d’un petit speech comique dans lequel il évoque des difficultés avec sa femme. Il précise néanmoins dès la fin du morceau que cela est totalement fictif et dédie à son épouse le titre suivant, le très beau Forever – dont il précise qu’il a servi quelques jours plus tôt de bande originale à une publicité très remarquée diffusée lors du Superbowl ! Retour ensuite aux classiques avec Money i$ king, extrait de “My World”, puis Faithful man qui sert ensuite, comme depuis plus de dix ans, de final au concert. Si l’effet de surprise est émoussé pour les habitués des concerts de Fields, la puissance de l’interprétation et de cette montée progressive de la tension jusqu’à un rugissement libérateur n’a rien perdu de son intensité et c’est évidemment sous les cris d’admiration de toute une salle littéralement subjuguée que Fields quitte la scène.

Le rappel non plus ne sera pas très original, avec l’instrumental Saturn suivi par l’inévitable Honey dove, également dans cette position depuis plus de dix ans. Mais les cris de joie de la foule quand l’intro retentit suffisent à faire taire toutes les objections… À plusieurs reprises pendant la soirée, Lee Fields demande au public s’il est heureux. Si la réponse a chaque fois été positive, l’enthousiasme des spectateurs se lit dans les yeux brillants et les sourires de chacun en sortant de la salle. Vingt ans après ses premiers pas sur les scènes françaises, et plus de cinquante ans après ses débuts de chanteur professionnel, Lee Fields n’a pas fini de nous enchanter. 

Texte : Frédéric Adrian
Photos © J-M Rock’n’Blues
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