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Brèves / 03.11.2011

Le mystère Blind Blake résolu

Les dates de naissance, de mort, les lieux de résidence et même le vrai patronyme du grand chanteur et guitariste Blind Blake, le principal fondateur du ragtime blues, ont jusqu’à présent été autant d’énigmes qui, étant donné les délais (il avait disparu des studios et de toute forme de témoignage après 1933), semblaient définitivement insolubles. C’était sans compter avec les possibilités aujourd’hui offertes par l’Internet et la numérisation de plus en plus générale des archives d’État Civil américaines. Dans le numéro 263 de notre excellent confrère britannique Blues & Rhythm, et au terme d’une enquête à plusieurs mains digne des plus grands détectives, Alex van der Turk, Bob Eagle, Rob Ford, Eric LeBlanc et Angela Mack ont fini par résoudre un des plus grands mystères de l’histoire du blues, sur lequel s’étaient cassés les dents tous les nombreux chercheurs partis sur le piste du fascinant Blind Blake depuis les années 1960. On ne pourra se passer de lire l’article « In search of Blind Blake » publié dans le numéro précité de Blues & Rhythm, mais on peut en dévoiler les conclusions. Blind Blake s’appelait effectivement Arthur Blake et non Phelps comme cela a été affirmé par plusieurs informateurs qui avaient fréquenté le guitariste et semblaient très fiables. Il est né en 1896 (il reste encore à retrouver ses jour et mois de naissance exacts) à Newport News (Virginie), et non à Jacksonville en Floride. Il est décédé le 1er décembre 1934 à Milwaukee dans le Wisconsin, où il possédait son domicile principal aux côtés de son épouse Beatrice née McGee (qui décédera dans la même ville le 23 mai 1953). Ce lieu de résidence « excentré » par rapport aux grands centres habituels du blues de cette époque expliquent sans doute pourquoi ces faits n’ont pas été établis auparavant, personne n’étant allé chercher des indices sur Blind Blake dans cette grosse ville industrielle guère connue pour sa scène musicale (qui a cependant dû exister comme partout ailleurs). On a aussi partout supposé, voire affirmé, que Blake avait trouvé la mort de façon violente, rixe, balle perdue, renversé par une voiture, etc. Mais une fois encore, comme pour Blind Willie Johnson et Blind Lemon Jefferson, la réalité est infiniment plus prosaïque que la légende : Blake était tout simplement atteint de tuberculose, un épouvantable fléau en ces temps où les antibiotiques n’avaient pas encore été inventés. Hospitalisé à plusieurs reprises au cours des années 1933 et 1934, Blake voit son état s’aggraver dans la nuit du 30 novembre 1934 et il sombre dans le coma tandis qu’il est transporté à l’hôpital pour décéder à l’aube du jour suivant. Il convient de remercier encore et donner un grand coup de chapeau aux cinq vaillants auteurs de cette enquête à lire dans le numéro 263 de Blues & Rhythm.

Gérard Herzhaft