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Live reports / 27.03.2025

Lalah Hathaway, New Morning, Paris, 2025

12 mars 2025, second show.

Plutôt rare sur les scènes françaises – il ne semble pas qu’elle se soit produite à Paris depuis 2014 et deux soirées au Duc des Lombards, Lalah Hathaway fait le plein au New Morning, et même un peu plus, au point qu’un deuxième show soit rajouté le même soir.

Le temps de faire sortir le premier public et de faire rentrer le second, il est déjà 22h30 quand les musiciens montent sur scène. Double bonne surprise : c’est l’excellent guitariste Jubu Smith, auquel nous consacrions un portrait dans notre numéro 256, qui mène l’orchestre, et il dispose, avec ses comparses – son frère et collègue au sein du groupe Legally Blynd Eric Smith à la basse, et deux habitués de la scène gospel, Tavarius Johnson à la batterie et Arreiun Tucker aux claviers –, d’une bonne demi-heure pour chauffer la salle avant l’arrivée de la star. 

Bizarrement, ce n’est pas le répertoire de son récent disque solo – consacré par le Pied dans nos colonnes – qu’il choisit d’interpréter, mais des titres plus anciens extraits des disques de Legally Blynd comme I’ve got the blues. S’y ajoutent des clins d’œil à ses anciens patrons récemment décédés, D’Wayne Wiggins et Frankie Beverly, avec des versions de Anniversary de Tony! Toni! Toné! et Golden time of day de Maze. À l’exception d’un individu qui braille « where’s Lalah? » à chaque opportunité, le set est bien accueilli par un public aussi enthousiaste qu’érudit, au point que Smith puisse laisser chanter la salle dès les premières notes ou presque d’Anniversary. Au vu de la qualité de sa prestation et de la réaction des spectateurs, une tournée de Smith sous son nom serait sans doute une belle idée…

Jubu Smith
Jubu Smith, Eric Smith
Lalah Hathaway

Pas de grande cérémonie pour accueillir sur scène Lalah Hathaway, qui se joint en toute simplicité aux musiciens et semble avoir en bonne partie renoncé aux affèteries de diva qui détournaient quelque peu de son chant. Bien qu’elle ne se soit pas produite en France depuis longtemps, c’est avec le répertoire de son dernier disque, “Vantablack”, qu’elle ouvre le show avec Higher et No lie. Les échos mitigés des spectateurs du premier show pouvaient faire craindre une prestation un peu en retrait, voire à l’économie, de la chanteuse, mais sur ce concert il n’en est rien. 

Certes, Hathaway ne se lance plus aussi facilement qu’à une certaine époque dans les acrobaties vocales qui ont contribué à sa réputation, mais ce n’est pas vraiment une perte, d’autant qu’elle se concentre probablement plus sur ses interprétations, comme le montre une très belle version de One day I’ll fly away qu’elle avait enregistrée avec son compositeur, Joe Sample. Les tubes et les classiques sont là, comme Baby don’t cry, extrait de son premier disque personnel, ou sa reprise du Angel d’Anita Baker, dans lequel elle glisse quelques phrases de Caught up in the rapture, ainsi qu’une reprise paternelle, le peu courant Love, love, love. L’orchestre est au diapason et l’accompagne à la perfection, avec goût et sensibilité… ce qui rend encore plus gênante l’utilisation de bandes enregistrées pour les chœurs. Celles-ci sont d’autant plus superflues que le public – qui au vu des conversations d’avant concert est composé d’une forte densité de chanteuses ! – ne demande qu’à donner de la voix à ses côtés.

Jubu Smith reprend le devant de la scène à la fin du show pour un long solo de guitare spectaculaire – que filme Hathaway – avant de lancer ce qu’il présente comme la séquence karaoké où il joue quelques titres repris à pleine voix par le public (Let’s get it on, Sweet thing de Mary J Blige et Tears in heaven), un moment sympathique à défaut d’être essentiel. Le final se fait en duo entre Smith et Hathaway sur You, un titre de Legally Blynd, avant que Hathaway ne revienne en rappel pour deux titres récents. En tout état de cause, une belle soirée qui rappelle que, même si ses disques ne sont pas toujours à la hauteur de son talent, Lalah Hathaway est une chanteuse majeure. 

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Frédéric Ragot