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Live reports / 29.03.2019

Kenny Neal + Jakez & The Jacks

Odéon Scène J.-R. Caussimon, Tremblay-en-France (93), 16 mars 2019.

Le blues continue de faire recette à Tremblay et il est plus prudent de réserver pour éviter la déception d’un concert affichant complet… Comme celui de ce soir, au programme particulièrement attrayant. Lever de rideau avec Jakez & The Jacks, un groupe nantais vainqueur du tremplin des Rendez-vous de l’Erdre en 2016 qui pratique un Chicago blues de la plus belle eau, avec une prédilection pour West Side sound. Jakez Rolland, le leader, est allé faire ses classes sur le terrain, et ça s’entend. Son jeu porte la marque de ses modèles, notamment Buddy Guy (grande époque) et Jimmy Johnson. Otis Rush n’est jamais loin non plus, dans le chant aussi. La voix haut perchée ne trahit aucune faiblesse. Pas de copier-coller pour autant, le groupe affirme sa personnalité à travers ses membres et quelques compos (Only women, à écouter sur YouTube), mais les reprises sont tout aussi abouties (Heap see, Little by little…).

Très classieux, Thomas Allain, alias Lil’ Tom, assure à la guitare rythmique, mais se distingue aussi sur la moitié des titres à l’harmonica qu’il pratique en disciple de Little Walter, comme son adaptation de Juke en témoigne. La paire rythmique fonctionne pleinement avec deux musiciens parfaitement aguerris – malgré leur jeunesse ! À la basse, Julien Dubois, tout en souplesse féline, et, à la batterie, David Avrit, casquette canaille et drumming stimulant. 

Fidèle à ses dreadlocks et ses jeans lacérés, Kenny Neal garde à 62 ans son allure de jeune homme. Il reste aussi fidèle à sa fratrie : Darrell à la basse savoure chaque note qu’il distille, Frederick aux claviers toujours sollicités, et Bryan Morris depuis si longtemps aux drums qu’il semble faire partie de la famille. La voix de Kenny Neal a du mal à émerger dans un premier titre qui me rappelle Tony Joe White, mais elle retrouve vite sa souplesse et son volume, allant jusqu’à se passer de micro si nécessaire. Il connait bien le public français, en joue avec son sourire radieux qui appelle la complicité. 

Parfaitement naturel, il ne cabotine pas ni ne triche. Il revisite en un long medley les succès de Jimmy Reed, les prolongeant par un Honest I do à fleur de peau, avec des solos de guitare ou d’harmo au service de la mélodie. Il fait frissonner quand, seul à la guitare et au chant, il attaque It hurts me too, rejoint par un Lil’ Tom tout en nuances à l’harmo, avant de faire monter la pression au fur et à mesure que le groupe les rejoignent. Tout aussi réussie est la longue séquence avec The things I used to go et Since I met you baby. Deux mélodies imparables et un art consommé de la tension-détente. Pour qui n’aurait pas décelé ses racines louisianaises, il évoque Baton Rouge (« Red stick », rigole-t-il), le pays cajun et le zydeco en reprenant My toot toot et Jambalaya (il aime les medley !), Frederick se chargeant d’imiter l’accordéon aux claviers. Et comme La Nouvelle-Orléans n’est pas loin, il termine avec When the saints repris par la salle.

La soirée ne peut se terminer sans un rappel bien sûr. Il ne se fait guère prier et revient avec, dans son sillage, Jakez et Lil’ Tom. Pour Kenny Neal, un concert est toujours une fête, un moment de partage, et les reprises de Got my mojo working et That’s all right laissent à chacun le temps de s’exprimer.

L’Odéon terminera sa saison blues le 12 avril prochain (exceptionnellement un vendredi) avec deux artistes qui ont été récemment à l’honneur dans Soul BagChris Cain et Automatic City. Alors, Parisiens, soyez fous, passez le périph’ !

Texte : Jacques Périn
Photos © Alain Jacquet

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