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Live reports / 07.11.2018

Kadhja Bonet

Absente des scènes parisiennes depuis une prestation compliquée au festival We Love Green 2017 (Soul Bag y était), Kahdja Bonet faisait son retour, avec un nouveau disque, dans un Café de la Danse quasi-comble et très impatient. 

En première partie, le trio instrumental The Hop (Warren Bargrilzz, Bobby Campbell et Denzel Naruto, d’après leur bio officielle, mais je ne suis pas sûr que ce soit leurs vrais noms), habitué de la scène hip-hop, venait présenter quelques titres d’un album à venir, dans un registre jazz électro qui évoque les expériences nordiques de Bugge Wesseltoft ou Nils Petter Molvær. L’ensemble, plutôt onirique, constitue une belle introduction avant l’arrivée de Bonet et donne envie d’en entendre plus. 

Après l’entracte, c’est flûte traversière à la main que Kadhja Bonet rejoint ses accompagnateurs – un trio, qu’elle ne présente pas – pour l’instrumental Procession, qui ouvre le concert comme il ouvrait l’album. Sans surprise, c’est le répertoire de ce dernier disque qui constitue le cœur du concert, et Bonet enchaîne les titres dans le même ordre que sur celui-ci. Dépouillés des arrangements sophistiqués par l’accompagnement en trio guitare-claviers-batterie, les chansons, comme l’envoutante Delphine, prennent une autre forme, ne reposant que sur la mélodie et le chant acrobatique de Bonet. Celle-ci n’hésite pas à se lancer dans de longues vocalises autour des thèmes, pendant lesquelles le temps semble suspendu alors que le public, sous le charme dès l’entrée sur scène de Bonet, retient son souffle.  

Bien qu’elle ait renoncé à se cacher derrière une guitare, comme lors de ses prestations antérieures, Bonet ne semble pas beaucoup plus à l’aise sur scène qu’il y a deux ans. Ses interventions parlées sont à peu près incompréhensibles, et elle se contente de se dandiner maladroitement sur scène, arborant un look “confortable” – combinaison, chignon, lunettes – bien éloigné du chic glamour de ses photos promotionnelles. Mais même l’évidence de ce mal-être scénique ne peut enlever à la fascination que provoque sa musique, même quand elle introduit Second wind comme « la seule de ses chansons qu’[elle] supporte d’entendre »… 

Après quelques titres, Bonet emprunte l’instrument de son guitariste et annonce, à la grande satisfaction des fans, Honeycomb, le tube du disque précédent, mais se contente d’en expédier une version accélérée et plutôt bâclée, ne cachant pas la lassitude que lui inspire le morceau – elle mentionnera quelques temps plus tard son incapacité à faire semblant… Elle retrouve ensuite le répertoire de “Childqueen”, le temps notamment d’un très beau Mother maybe, encore plus intense dans cette version “à l’os”, sans les riches arrangements de l’original. Elle quitte la scène après une version un peu incongrue de Never can say goodbye – oui, la chanson des Jackson 5 interprétée ensuite par Isaac Hayes et Gloria Gaynor – puis reviens pour un rappel de deux reprises, Yesterday des Beatles et Missing youde Diana Ross, sur lesquelles elle semble étrangement perdre pied, oubliant même les accords de Yesterday en cours de chanson, ce qui l’oblige à finir a cappella. 

Difficile, au sortir de cette prestation à l’intensité et à la sincérité parfois déchirantes, de savoir vers où ira ensuite Kadhja Bonet – ni si elle voudra vraiment que le public l’y accompagne… Mais le concert de ce soir confirme, s’il en était besoin, qu’elle est une artiste majeure, loin des modes et des buzz, et que sa musique mérite une attention soutenue.

Frédéric Adrian