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Live reports / 15.10.2015

Jon Cleary & the Absolute Monster Gentlemen

« Si j'ai bien un talent, c'est de savoir choisir d'excellents musiciens pour m'accompagner. » Cette phrase de Jon Cleary nous vient en tête dès les premières mesures de ce Sooth me (Sam Cooke) entonné à trois voix. Réduite à un tandem rythmique pour cette tournée française, sa garde rapprochée témoigne à nouveau d'une merveilleuse cohésion. La complicité de Cornell Williams, incarnation du groove subtil, est aujourd'hui bien connue, tandis qu'on découvre celle de l'homme qui remplace Jeffery Alexander annoncé sur le programme. À 27 ans, Jamison Ross dégage une maturité de jeu et une polyvalence remarquables. Reconnu dans la sphère jazz, auteur cette année d'un beau premier album solo chez Concord, il met ici en avant son expertise approfondie de La Nouvelle-Orléans où il habite depuis quelques années. Sous sa frappe se dresse très vite un sommet de la soirée, un hommage à Smokey Johnson dont on vient d'apprendre la disparition. Dispensée avec une envie énorme, la pulsation jouissive de It ain't my fault irradie. Et lorsque Cleary y insère une parenthèse gospélisante à la manière d'une parade funèbre, l'émotion se fait dense, et elle se lit dans le regard humide de Jamison.

 


Jamison Ross

 


Jamison Ross et Cornell Williams

 


Jon Cleary

 

L'hommage se prolonge par un Big Chief et le trio s'en donne à cœur joie le long d'un copieux menu en trois parties qui nous plonge au cœur des multiples saveurs propres au R&B de la Cité du croissant. Sous les doigts et dans la voix burinée de Cleary revivent James Booker, Lee Dorsey, Jelly Roll Morton (superbe version funkyfiée de The crave), Allen Toussaint (le bijou What do you want the girl to do…). Du blues grand teint aussi, en shuffle (Reconsider baby) ou en prenant tout son temps, notamment à travers son Frenchmen Street blues enregistré pour la série Treme. Tout cela bien sûr agrémenté d'autres compositions du chef : Smile in a while, les “classiques” Cheating on you et When you get back, ou encore trois titres du nouvel album qui passent brillamment la rampe du live : Beg, steal or borrow, Getcha GoGo juice et l'hymne Bringing back the home (« Jazz, funk, rhythm and blues and soul » chante le Méridien !). À signaler parmi les temps forts du troisième set, la toujours imparable pépite des Meters Just kissed my baby.

 


Jon Cleary, Jamison Ross, Cornell Williams

 


Cornell Williams

 

Au rayon des (minces) réserves, davantage de compositions auraient été les bienvenues, notamment de “GoGo Juice”, il y avait la place pour le jouer intégralement. Par ailleurs, quand on connaît leur talent au chant, on aurait aimé entendre Jamison et Cornell prendre quelques lead. Et, bien sûr, on espère la prochaine fois la présence de l'orfèvre à six cordes Derwin “Big D” Perkins. Histoire de bonifier encore un combo de déjà très haute tenue.

Nicolas Teurnier
Photos © Fouadoulicious

 


Jon Cleary

 


Jon Cleary