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Live reports / 09.01.2023

Jon Cleary, Duc des Lombards, Paris

14 décembre 2022.

Pour son retour à Paris, après trois ans d’absence pour des raisons qu’il n’est pas très difficile d’imaginer, le plus anglais des Néo-Orléanais n’a pas été gâté : après que des péripéties de passeport l’ont empêché d’arriver à temps pour participer à la soirée organisée par TSF à la salle Pleyel, c’est une météo plutôt fraîche qui l’accueille en ville, et une de ses trois soirées au Duc des Lombards – celle à laquelle j’assiste – entre en concurrence directe avec la demi-finale de Coupe du Monde jouée par l’équipe de France ! 

Sans être plein à craquer, le Duc des Lombards est malgré tout bien rempli pour accueillir Cleary. Après une tournée en trio en 2015 et quelques dates en duo avec John Scofield, c’est cette fois-ci tout seul qu’il se présente, et son piano trône en majesté au centre de la petite scène du club. 

Après une improvisation instrumentale « pour se chauffer les doigt », il ouvre le set avec son propre I feel so damn good (I’ll be glad when I got the blues), interprété en 1998 par Larry McCray, qui fait fonction de déclaration d’intention, avant d’enchaîner quelques reprises de standards plus ou moins associés à sa ville d’adoption : un medley Those lonely lonely nights / Can’t believe you wanna leave, un Tipitina très relaxé et le Let them talk de Little Willie John dont Davell Crawford a donné une des versions de référence.

Visiblement habitué à se produire dans ce format, Cleary en profite pour interagir avec le public en présentant longuement certains titres avec une évidente volonté de pédagogie. Il ne tarde d’ailleurs pas à solliciter les spectateurs et à leur demander ce qu’ils souhaitent entendre, pour un résultat très varié. Quelques reprises bien sûr : le Queen Bee de Taj Mahal, qu’il avoue ensuite n’avoir jamais joué sur scène, Farewell to Storyville ou le 44 blues de Roosevelt Sykes, occasion pour Cleary de raconter comment il allait l’écouter jouer dans un bar de quartier à son arrivée à La Nouvelle-Orléans. Mais aussi et surtout, et c’est une bonne surprise, son propre répertoire avec notamment Frenchmen Street blues, qui apparaissait sur la bande originale de la série Treme, Help me somebody, extrait de “Moonburn” et When you get back, un des classiques gravés avec les Absolute Monster Gentlemen. 

Sans être un chanteur à la hauteur de ses talents pianistiques, Cleary sait jouer avec ses limites, et même des titres marqués par des interprètes plus expansifs – un medley Rockin’ pneumonia and the boogie woogie flu / Something you got – fonctionnent, de même qu’une request finale pour le Lipstick traces écrit par Allen Toussaint et popularisé par Benny Spellman. Au vu du format et de l’importance prises par les demandes du public, l’ambiance est plus proche du piano-bar que du samedi soir au Dew Drop Inn, mais l’ensemble ne manque pas de charme et les spectateurs, plutôt réservés pendant le concert, n’hésitent pas à demander à Cleary de revenir pour un dernier rappel, qu’il consacre à son propre Po´ boy blues. Même s’il est réjouissant de pouvoir bénéficier d’une telle prestation, qui permet évidemment de profiter au maximum du piano constamment inspiré de Cleary, il serait temps qu’il revienne nous visiter avec ses Absolute Monster Gentlemen !

Texte : Frédéric Adrian
Photos © Éric Heintz

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